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Faust › Something Dirty

  • 2011 • Bureau B bb65 • 1 CD digipack
  • 2011 • Bureau B bb65 • 1 LP 33 tours

cd • 13 titres • 49:17 min

  • 1Tell the Bitch to Go Home5:53
  • 2Herbststimmung5:37
  • 3Something Dirty7:13
  • 4Thougths of the Dead2:10
  • 5Lost the Signal8:43
  • 6Je Bouffe1:27
  • 7Whet2:07
  • 8Invisible Mending2:16
  • 9Dampfauslass 13:21
  • 10Dampfauslass 22:34
  • 11Pythagoras2:11
  • 12Save the Last One0:19
  • 13La Sole Dorée5:16

informations

Enregistré "live" sur bande magnétique par Johann Scheerer au studio Clouds Hills Recordings, Hamburg/Rothenburgsort. Mixé et produit par Johann Scheerer et Faust. Masterisé par Chris von Rautenkranz au studio Soundgarden, Hamburg/Rothenburgsort.

Il existe actuellement deux formations qui jouent sous le nom de Faust. Les deux sont menés par des membres fondateurs du groupe, rejoints par d’autres musiciens. Il s’agit sur ce disque de la version Péron/Diermaier du groupe, dont les premières traces sur disque – depuis la rupture de la formation originale dans les années soixante-dix – semblent remonter à 1994, qu’il s’agisse d’albums studio officiellement sortis par des labels (l’album Rien, sur Table of The Elements, en 1994 donc) ou de bootlegs/auto-productions de concerts enregistrés ou bandes de répétitions. « L’autre Faust » – mené par Hans-Joachim Irmler est audible entre autres sur le double album Faust Is Last (sorti en 2010 sur Klangbad).

line up

Werner "Zappi" Diermaier (batterie et métal), James Johnston (guitare électrique, synthétiseurs bC8 et MS-10, piano électrique Wurlitzer, orgue, piano, thérémin), Jean-Hervé Péron (voix, basses, guitare classique, cavaquiño, lance-flamme, trompette, psaltérion, sabots de chèvre, vibraphone jouet, tambour de marche), Geraldine Swayne (piano, piano électrique, synthétiseurs, percussion, guitare, orgue, voix, psaltérion)

chronique

Un son de crasse industrielle – pas comme dans "Throbbing Gristle", pas vraiment ; pas comme dans "le genre indus", encore moins ; pas comme dans "métal indus, Ministry", vraiment pas. Au sens vallée de la Rhur, plutôt, bien que le groupe soit né un peu plus à l’ouest que ça. Mais qu’importe le bassin, l’usine : au sens de Manchester, de Monceau les Mines ; au sens des villes qu’on voudra, où ça faisait la gloire des nations, où ça devait bien fermer tôt ou tard. Poussière d’amiante, fin résidu craché par les lames circulaires à la découpe des taules. Ciel, murs, horizons en dégradés d’anthracites. Lueurs jaune-vert à l'intérieur. Ça grince. Accord plus amer. Et puis par dessus ça, le fantasme d’un ciel où, à force, on ne voudrait même plus penser à voir le soleil, à peine le deviner derrière le voile de souillures. Quelque chose de sale : un froid de perpétuelle fin du jour. "Dis à cette salope de rentrer"… Faust à toujours eu ça. Quarante ans après, ne l’a pas perdu. Cette espèce d’exhalation corrosive, qui démange les tissus, irrite les voies respiratoires. Cette introspection noir-de-bile qui remonte exaltée, bouillante, effrayante de beauté. Puis cette proximité, aussi, ce verbe accessible, cette forme immédiate. Tout est là encore, qui à l’époque rendait Faust si étrange parmi ses étranges pairs. L’usage tordu de la technologie – qui ne magnifie pas, ici, qui ne robotise pas la frappe. Si machines il y a ce sont machines assourdissantes. Et puis qui suintent du noir, encore, cambouis odorants, pénétrants.

Il y a dans le morceau-titre un truc vraiment pas net. Une litanie qui pourrait s’adresser à un animal domestique, à un vieux parent grabataire à charge, au partenaire manipulé d’une relation BDSM qui basculerait dans le rapt pur… Une intention malveillante, une rancune, un abus de confiance, d'affection, un ressassement de colères rentrées. Vraiment pas propre, en effet. Il y a dans Je Bouffe – qui attaque par Françoise Hardy – une révolte intacte : pas ridicule parce que consciente. De la limite des coups, du faible poids des pavés lancés, de la couleur des lendemains. Pas surannée parce que proche de l’os. C’est à dire dans la chair. Comme les échardes d’acier qu’on chope à vouloir empoigner ça. Comme cette poésie soudain saisissante, qui nous fond dessus de son flottement, nous pénètre les pores par la voix de Géraldine Swayne. Partout il y a l’amour des bruits qui coupent et frottent, du son porté au point d’incandescence éblouissant, d’intense plaisir à tenir toujours la tension, jusqu’au point de rupture où l’on perd le signal.

Faust tourne toujours. Toujours sur l’axe par lui même martelé, déformé, voilé. Toujours pas rond. Ne filera jamais droit. Faust bouge encore. Faust invite d’autres gens. Des gens d’après eux qui ne sont pas des disciples mais qui sûrement, peut-être, ont du les entendre un jour et passer ça dans leurs propres poisons. Ailleurs ce seront Amaury Cambuzat – du groupe Ulan Bator – et l’ondiste Nathalie Forget, pour un concert unique, essentiel, secouant. Ici ce sont Geraldine, donc, et son compagnon James Johnston – chanteur et guitariste de Gallon Drunk (et Big Sexy Noise) – qui viennent mêler leur sens du rock'n'roll en réverbérations profondes et textures mordantes, dégueulasses, poisseuses, aux étincelles, aux roulements fracassants, aux sorties de vapeur, aux larsens magnifiques de Diermaier et Péron. Et curieusement – et bien sur – ça prend. Musique en surchauffe dans l’air glacial qu’elle s’est choisi, délibérément, pour l’évidence, la violence du contraste. En décharges libres et changements rigoureux. En morceaux joués bruts, enregistrés tels quels, tout le monde ensemble, mais longuement travaillés… Comme on dit "quelque chose le travaille", aussi. La Sole Dorée, en fin de disque, est une merveille d’hypnose psychédélique, luisante, scintillements de matières sombres, moirées, orgues électriques râpés, larsens filés en longs déchirements distants, striants, voix chuchotée qui attire, attise, semble exhorter à du guère rassurant.

Quarante ans, et Faust séduit toujours, inquiète encore, fait toujours choc. La fin du morceau est abrupte. Elle laisse dans le vide avec les bourdonnements de la pièce : le frigo qui déconne, l’ampli poussé trop fort. La nuit qui se craquelle et les revêtements qui bruissent et se contractent. Comme la légende à quoi il emprunte son nom, Faust vous fait douter qu’il soit si pertinent de vendre son âme. Faust est toujours une gêne, un inconfort. Faust est toujours excitation, inconciliable désir. Quarante ans plus tard, Faust incite toujours à chercher autre chose. Loin des sordides transactions.

note       Publiée le vendredi 15 mars 2013

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    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    Ils jouent du coup a Copenhague demain, a Boulogne-Billancourt (BBmix) le 21 nov avec Cathy Heyden et Maxime Manac'h comme invités, et a Brest (Fest invisible) le 22 nov

    Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

    le nouveau arrive a la fin du mois; 12 pistes servant de bases a qui veut developper le propos musical, dixit Peron et Zappi. Les extraits ont effectivement l'air plutot aérés. Et il devrait toujours y avoir du cavaquinho vu qu'un morceau s'appelle comme ceci.

    Jean Rhume Envoyez un message privé àJean Rhume

    Comme dans "wesh ma couille, tranquille" précisément.
    Non mais c'était pas une critique négative envers tes autres chros, celle-ci est particulièrement juste, évocatrice de Faust.
    (Et désolé Edith si je me suis un peu maladroitement exprimé, ça partait d'un enthousiasme envers cette chro, à la base. :)

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Comme dans "wesh ma couille" ?

    (Non mais non hein... Je le prends pas spécialement mal. Et merci pour celle-là, de toute).

    Jean Rhume Envoyez un message privé àJean Rhume

    Magnifique chronique Dioneo ! Très beau texte (pour un super album).
    Des fois tu te barres en couilles (ce qui a son intérêt aussi), on arrive pas toujours à te suivre mais là, c'est super limpide.

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