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Vajra › Tsugaru (東日流)

  • 1995 • P.S.F. PSFD-62 • 1 CD

cd • 6 titres • 32:18 min

  • 東日流|32:18
  • 11a/ふるゆきのまえにちるはのいみもしらず
  • 21b/田島
  • 31c/和紙にはコールタール
  • 41d/尾崎神社
  • 51e/『∂∇ヨ人』』
  • 61f/『青』ヨ

informations

Enregistré au studio J par Takeshi Yoshida. Produit par Hideo Ikeezumi.

La transcription la plus satisfaisante du titre japonais (東日流), semble bien être « Tsugaru » ; le titre « Tusgaru », reporté sur la tranche, relève selon toute vraisemblance d’une faute typographique. Cette hypothèse est par ailleurs renforcée par la transcription approximative, dans le même livret, des quelques paroles chantées en anglais dans la cinquième « chanson » (『∂∇ヨ人』』). Il est à noter que le disque est référencé, selon les occurrences, sous l’un ou l’autre de ces titres.

line up

Keiji Haino (guitare, voix), Toshiaki Ishizuka (batterie), Kan Mikami (voix, guitare)

chronique

Tsugaru : région sise tout au nord (de l’ile Honshu, la principale) – préfecture d’Aomori, pour notre temps. Juste en dessous d’Hokkaido (l’île première dans l’histoire, selon le Mythe). On parle une langue, dans la contrée, dont nul n’entend vraiment mot dans le reste de l’archipel, de ce pays que le reste du monde s’accorde, déjà, à trouver si singulier. Tsugaru shamisen : instrument de ce lieu. Par extension : musique, folklore qui s’y joue. Art de mendiants, d'abord, souvent aveugles. Rythmée, nous dit-on, plus qu’en d'autres cités, bourgs et bocages. Il faut que même les pleurs emportent. Tsugaru… Premier album du trio Vajra. Mikami, Haino, Ishizuka. Déclaration d’indépendance, d’autonomie. Combattante, poétique, spirituelle. Six chapitres – six épitres – fondus en une longue plage, qu’on ne puisse les embrasser sans en savoir l’intégrité, l’intégral propos. Chiffré, pourtant, celui-là ; subtil sans doute dans ses nuances, intrigant dans sa métrique ici marquée, tout à coup libre, ses strophes changées au bout d’un appel. Tout y est déjà de l’art du groupe, en plus tranché, sans doute, en plus nu qu’ailleurs. En plus brut, souvent, mais sans rien d’embryonnaire. Les trois hommes en présence, à ce point de leurs carrières, de leurs parcours, de leurs existences, maîtrisent parfaitement, librement leurs moyens. Savent se laisser gagner par leurs débordements. Le choix de leur alliance ne doit rien au hasard. Le motif du groupe, de toute façon, n'est pas de suivre une ligne de progression au sens commun du terme. Son histoire n’est pas de tendre vers un achèvement qui serait Absolu. Mais de dire à chaque fois – à chaque disque, sans aucun doute à chaque concert – un moment avec ses charges, ses tensions, ce qui s’y oppose et ce qui s’y ouvre. Les formes trouvées, affirmées, ici comme dans tout ce qui suivra, semblent émanations sensibles, concrétions palpables plutôt que traces, tracés seulement graphiques : des jeux d’intensités, de forces qui s’y meuvent. Simplement, là – plus que sur les albums d’après – certaines lignes, certaines trajectoires, certains moments semblent plus nettement isolés. Mikami, parfois, y chante et y joue seul – dans ce fameux dialecte incompris hors du canton qui l’a vu naître. De cette voix éplorée mais si rude, si virile, qu’il donne ainsi, telle-quelle, sur ses disques solo. Avant que s’élève sa sidérante complainte, ce sont les deux autres qui ouvrent sans lui la route, les nappes psychédéliques d’Haino – flot scintillant, marée d’argent vif – ne submergeant pas la frappe franchement martiale d’Ishizuka, en épousant plutôt, en amplifiant la marche. Bien sur, plus loin, les voix des trois – celles de leurs instruments, de leurs machines cosmiques – s’emmêlent intimement, font alliages, tissage serré, souple, par tours ou ensemble. Les éclats, les souvenirs d’un jazz libéré, les riffs d’un rock plus lourd, ici syncopés selon d’autres cassures, d’autres desseins, y frottent leurs contrastes, y lient leurs synchronismes. Plus décharnée qu’ailleurs – en même temps plus explosée, plus arrachée, pas diluée mais réarticulée – une tradition bien plus ancienne fait par instant jaillissements impromptus, comme pour corroder une patine d’oubli, nier qu’elle soit finie. Pour se continuer au delà des limites d’une culture arrêtée, s’écouler pleine, vive, au jour présent. Mikami, tout à coup – lâchant aussi pour l’occasion, paradoxe, quelques mots en un drôle d’anglais – se met à hurler la gloire oubliée des plus anciens que les Anciens, ces Aïnous d’avant les Empires, d’avant Nihon, d’avant les guerres vers l'Unité. Avec une ferveur toute mystique, une colère céleste aux confins du fanatisme. Les autres, autour, malmènent la mesure, la constellent d’éclats, la transpercent de leurs pointes. Aucun des trois hommes, pourtant, n’est de cette extraction. Il s’agirait, seulement, de nier l’impermanence, l’effacement des souches en leur définitif ? Ou bien, au contraire, d’attester que rien ne reste, jamais, en son état premier ? Qu’il n’y a pas eu d’état premier que l'entendement humain – question de vitesse, d'instabilité, d'ampleur – soit en mesure de se figurer par ses moyens normaux, rationnels, par la seule complexité de la pensée consciente ? … Rien ne sera donné qui serait certitude apprise, réponse anecdotique. Haino, à tel point, élève sa voix d’hypnose, écoule son conte, sa fameuse prière qui endort le geste et illumine la perception. Tsugaru – disque, vocable, Mystère – est un lieu à part, aux usages qui déflorent le regard étranger. A chaque fois. Ce sont trente-deux minutes et dix huit seconde, d’une traite, où les silences même font rythme. C’est un instant qui file. Et qui nous laisse son énigme. Et qui sans la défaire nous passe sa plénitude agitée.

note       Publiée le jeudi 21 février 2013

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