A l’heure ou je vous parle, Spectre vient de sortir un nouvel album, à peine pressé à quelques centaines de copies vu le désintérêt du public pour ce type de hip-hop, poisseux et à l’ancienne, au profit de marottes internet dont on va éviter de répéter les noms… C’est con, parce que Spectre fait une musique simple, et le fait bien. Ce disque avait déjà des airs de résurrection, pour un artiste et un label dont l’heure de gloire se situe clairement vers le milieu/fin des années 90. Une résurrection plus resserrée que ses disques 90’s, parfois sujets aux errements. Ce que l’on gagne en cohésion, en revanche, on le perd en surprises… Death Before Dying est un album de chill-out nocturne, dont on connaît déjà plus ou moins la fin au moment d’entamer le début. Skiz Fernando, en bon latino, a le goût des instrus enfumées au tempo lourd façon DJ Muggs (Cypress Hill) mais pas que… Il y a aussi du RZA dans son art du sampling à l’ancienne, un art dont il extrapole tout le côté cinématographique pour livrer un disque en forme de musique de film plus qu’autre chose. En l’absence de featurings – ce qui renforce l’impression home-made très rafraîchissante de cet album – la plupart des tracks sont laissé en l’état, instrumentale, et ça s’appelle de la musique d’ambiance de grande classe. Ici, la lounge-itude des samples, tout en ambiance film noir, est parfaitement contrebalancée par la teneur électronique des beats qui permettent de garder la juste dose de tension urbaine. Le premier tiers du disque évoque l’errance bitumée des classiques de Wordsound, quitte à faire fuire l’auditeur lambda par cette facette la moins abordable de Spectre (The Dark Rift souffre vraiment de l’absence de rap et se révèle agaçante). Les choses sérieuses commencent, à vrai dire, par le sample filmique de Swagger, bercé par une boucle interlope qui jete de temps à autre de furtifs coup d’oeils vers des reflets de silhouettes noires, là, dans le miroir du corridor… Humm. Impression confirmée par Quiet Storm, qui évoque le style de ballade soul du même nom (véritable concept radiophonique juteux, inventé par Smokey Robinson pour la décontraction et plus si affinités des prolos black qui rentrent du boulot). Un peu le rêve humide d’un RZA qui se serait spécialisé dans l’instrumental habité, hésitant ici entre lascivité et angoisse. Et que dire du Follow The Smoke qui suit, et de son sample de ‘L’eau à la Bouche’ de Gainsbourg et Alain Goraguer, sur laquelle une nymphe black vient vocaliser, tandis que l’instru prend soudain une inflexion presque Morcheebienne (à leurs meilleurs moments). Ce sera la seule intervention vocale (hors samples filmiques) de tout le disque, par une certaine Laila, qu’on retrouve juste sur la dernière piste, étrange version lounge et plus rythmée de Tricky, qui vient conclure cet album un peu trop fuyant et orienté "ambiance" pour décrocher une note vraiment honorable. Mais soyons précis : pour vos soirées ambiance "emballons-sombrex-mais-emballons-quand-même" (20 points de crédibilité en moins pour cette phrase), c’est LE disque qui tape juste et sobre.