Ce n'est pas le ciel qui rythme nos saisons, il a toujours la même couleur ici. Ce n'est pas le vent qui nous apporte la nuit car dans l'air épais qui nous enveloppe, la nuit est notre quotidien. La mine est comme une grande horloge dont les aiguilles rouillées cognent avec violence contre la roche pour la faire éclater; ce sont ces bruits, la peur qui marque notre chair, le goût acre gonflant notre langue, la fatigue tordant nos muscles qui nous laissent espérer qu'ici aussi le temps ne nous a pas complètement oubliés...Rejeton torturé né de la rencontre entre Sébasytén D. (Opium Dream Estate) et Karl S. (Danishment), Saison de Rouille est un projet qui conjugue le meilleur d'un industriel entre Swans, Godflesh et les Young Gods du début: percussions lourdes, vocaux rocailleux, âpres comme la terre dont ils parlent, guitares agonisantes et rampantes, nappes étouffées, violons inquiets, tous les éléments évoquent la noirceur de la mine, le poids immuable, la menace pesant sur cet univers souterrain abandonné à lui-même...Oui mais ce monde minéral, implacable, où la mort est présente en permanence est également une arène où l'homme défie ses propres limites, où l'espoir de la lumière, la fierté de repousser et vaincre ses faiblesse agissent comme autant d'éléments galvanisant qui confèrent à cette musique pesante des instant glorieux ('Hypercephalee') où le courage reprend le dessus. Les musiciens ont su créer une musique évocatrice et forte, tant en images qu'en émotions, en allégeant la lourdeur répétitive des rythmiques-machines par des filets de violon mélancoliques qui se faufilent comme des rayons de lumière pâle dans cet univers claustrophobe où l'air vicié transpire des sillons du disque. On ne peut nier une longueur légèrement excessive mais la puissance de la musique équilibre cette faiblesse. Ils ne sont pas légions, les groupes de l'Hexagone à s'être frotté à ce type d'indus exigeant et organique mais Saison de Rouille relève efficacement le défi, rendant un hommage fort et vibrant à la foi de ces hommes à l'existence cloisonnée. Il aura fallu la collaboration de six labels indépendants pour sortir ce LP (prévu en édition cd deluxe à la fin de l'année) résumant le premier cycle. Le noyau dur, soit Sébasytén et Karl (le projet se voulant le fruit de collaborations éphémères autour de ce duo) planche déjà sur la composition du second cycle...4,5/6