Lunus › 11 -23

Prisonnier d'une boucle temporelle d'emblée...Imaginez l'intro d'un titre techno, la montée, on attend le rythme et rien ! Retour au départ, ça monte, on attend que ça éclate et non...Case départ à nouveau. Pendant plus de cinq minutes, cette boucle grinçante va vous vriller les nerfs en refusant immuablement d'éclater. Pas de saturation, d'agression, c'est pire. Voilà la caractéristique de cet album de Lunus, nous faire le coup du supplice chinois de la goutte d'eau qui tombe lentement sur le sommet du crâne jusqu'à rendre fou, sauf que là, l'os est percé et le cerveau infiltré d'emblée. C'est un processus en apparence simple mais horriblement et détestablement subtile. Les musiciens optent pour une production dépouillée, des sonorités ni trop aiguës, ni trop grinçantes, aucune agression de front...Les sonorités s'enroulent en boucles, tranquillement, quelques nappes traversent, pas de quoi se méfier, sauf que ce côté glacial et clinique met vite mal à l'aise, on respire moins bien...Imaginez-vous ligoté sur un lit d'hôpital avec un docteur sadique à vos côtés qui joue avec ses engins de torture, sans même vous prêter attention. C'est exactement ainsi que je me suis senti. L'agacement imperceptible du départ se précise, on aimerait que quelque chose se produise...N'importe quoi, un cri, un bon crissement, un coup...Mais non, tels des moustiques de métal, les petits sons continuent leur manège, tranquillement, régulièrement, d'autres bruits interviennent fugacement, la ronde continue...Le temps passe et la tension monte, un malaise, les premières gouttes de sueur et c'est là qu'on réalise que l'on ne peut pas bouger...Surtout ne pas se presser, le groupe distille son terrible mélange avec méthode, les nappes ne sont même pas angoissantes, elles n'en ont pas besoin, elles sont déjà dans votre sang, à l'empoisonner. Peu de variations, plutôt des modulations jouant sur une forme d'hypnose sans permettre à la transe salutaire de s'installer; il faut que le patient soit sans cesse conscient de sa situation. Dieu que le temps paraît long. Rien ne s'accélère pourtant...Tranquillement, toujours bien tranquillement, tel est le secret, pas de saturation, juste des petites torsions, comme ça, pour le plaisir. Des sonorités organiques, enfin ? Surtout pas, tout doit rester clinique, neutre, affreusement neutre, froid, désincarné...La fin, comme un son de fraiseuse, percer le crâne, tranquillement, lentement, sans hâte, pour laisser au patient le temps de sentir l'os se fissurer, avant de vite retirer la mèche...Surtout ne pas tuer, il faut que chaque sensation reste intacte, voilà l'art de la torture ultime...Atroce et intense, une expérience réservée aux amateurs d'extrême...Moi j'ai besoin d'un bon Whitehouse pour décompresser.