Killbody Tuning › 47°0'40.00''N/6°42'20.00''E

Trente ans après une chasse à l'homme le donnant pour mort, un homme retrouve les lieux du drame. Il y découvre une folie toujours présente et fait face aux événements intervenus dans sa jeunesse...C'est un synopsis, celui du court-métrage intitulé 'Dernière chasse' réalisé par Julien Humbert-Droz et dont le quatuor Killbody Tuning signe la musique ; rien d'étonnant dès lors à ressentir cette touche cinématographique au travers des sept instrumentaux qui constituent cet album. Quelques notes étouffées, froides, débutent la trame de 'Ara Ubiorum', laquelle s'enrichit de notes plus aiguës qui s'installent dans un calme chargé de menaces. Hypnotisé, l'auditeur relâche son attention tandis qu'en arrière-fond, la tension, imperceptiblement et implacablement, se précise...Surtout ne pas se hâter, piéger la proie...Et soudain après cinq minutes, la rythmique se met en place, l'air se fait épais, une montée crasseuse de guitare jaillit tout soudain, le temps de saisir à la gorge pour se dissoudre d'un seul coup. Une perle. Plus rythmé mais jouant sur la mélancolie cristalline des guitares, 'Seestrasse' dégage une beauté hypnotique qui se mêle soudain d'ambiances shoegaze après plus de trois minutes mais tandis que l'une tisse une couche mi-agressive mi- evanescente, on perçoit soudain la basse qui bourrine dans l'arrière-plan, agressivité qui va contaminer le final du morceau. Tout cela est admirablement fluide et dosé, ces nuances étant à la fois évidentes et à peine perceptibles. Je n'étais pas tout à fait exact en parlant de sept instrumentaux puisque 'Marker of change' voit la participation de Valérie L. (chanteuse de Halocline), son timbre contribuant à colorer le titre d'ambiances noisy-pop que les fans du genre goûteront avec plaisir, le final étant particulièrement riche en intensité. Laquelle s'évanouit d'un seul coup devant les notes délicates de l'intro de 'Porta Capena' avant que la rythmique ne relance une forme de menace primale (le jeu de batterie subtile dans ses roulements y joue un rôle prépondérant) pour mieux s'effacer devant la tristesse lancinante de la guitare. Puis à nouveau, le bruit, le grésillement, s'en vient concurrencer cette mélancolie qui ne se laisse pas impressionner et poursuit ; ces duels entre les deux guitares sont des moments passionnants qui servent le plus souvent de climax aux compositions. C'est principalement ce qui manque à 'Bamberg' qui traîne un brin en longueur et vaut surtout par l'aspect hypnotique de ses textures avant un final déchaîné et bienvenu. Restent deux morceaux, c'est là que se joue le tournant de l'album et Killbody Tuning s'en sort admirablement en suscitant à nouveau la curiosité par une économie de notes, un climat inquiétant d'emblée sur le départ qui prépare à la suite, soit la confirmation de cette insécurité pressentie. Pour 'Muswell Hill', le quatuor risque à nouveau les vocaux féminins assurés cette fois par Céline Bart et à première écoute, ce choix m'a semblé hors de propos car rompant une forme de transe à laquelle on s'était habitué. Il m'a fallu quelques essais pour mieux saisir la pertinence de cette option, offrant à la musique une sorte de flamboyance pour terminer le disque en beauté mais de manière plus classique. Je ne suis pourtant pas très adepte du post-rock et encore moins instrumental pourtant '47°0'40.00''N / 6° 42'20.00''E' m'a touché, peut être de par son approche cinématographique, à la fois efficace mais également prisonnière du schéma de la montée en douceur pour un climax plus intense ou violent. Gageons qu'il ravira les fans de post rock mais aussi les amateurs de rock atmosphérique à la Earth, voir même les tenants d'une certaine forme de noisy pop écartelée. Servi par une excellente production, ce disque joue en tout cas parfaitement son rôle en donnant clairement envie de visionner le film qui l'a inspiré. 4,5/6