Hail Mary Mallon › Are You Gonna Eat That ?

Aesop Rock, rappeur indé sage et bien habillé ? J'y ai cru pendant un moment moi aussi... Mais s'il sait être poétique, délicat, stakhanoviste du détail, il peut aussi puiser dans des délires d'un goût douteux... par exemple l'an passé, quand le gars nous est revenu avec son dernier projet en date accompagné de Rob Sonic pour un concept album sur... la fièvre typhoïde. Plus exactement, sur une cuisinière porteuse saine de la maladie, qui contamina et tua 51 personnes en mitonnant sa soupe, à la fin du dix-neuvième siècle. Une forme d'homicide de masse en loucedé, si vous préférez... à quand un concept album de rap sur les transmetteurs volontaires du sida ? No lo sé, mais en attendant, l'artwork puant et les thèmes de ce disque ne laissent pas vraiment de doute quant à la fraîcheur du contenu : Hail Mary Mallon, sans pour autant avoir quoi que ce soit de plus renversant que le commun des sorties Def Jux / Big Dada / Mush de la grande époque, sent fort le délire aesopien, celui qui serait dans la suite du None Shall Pass contenant déjà une partie du casting présent, c'est à dire un hip-hop intime aux paroles chiadées et complexes à mort (essayez même pas d'entreprendre un décryptage, ou préparez l'aspirine), à l'univers quasi opaque, exigeant, une sorte de versant psychopathe-nerd-littéraire et cryptique qui demande un minimum d'effort de notre part pour être assimilé. Je ne ferai pas l'affront de vous faire la chro façon titre par titre, ce genre de manœuvre au détail me gave de plus en plus avec le temps, mais je peux déjà dire que les instrus évoluent entre ambiances radioactives et effets accrocheurs très putasses (l'influence des gros prodos du rap beauf style Timbaland ou Neptunes sur le monde du rap indépendant, aaah, vaste et délicat sujet) quelque part entre les précipités chimiques les plus électroniquement irritants de El-P et le style retro electro funky du Telicatessen de Rob Sonic, et dans la suite des expérimentations passées au cours des années 2000 dans les maisons citées plus haut, donc bien sûr ceux qui ne sont pas coutumiers risquent d'avoir un temps d'adaptation, encore que cet album soit bien plus accessible qu'il n'en a l'air derrière son emballage atrocement débandant. Du rap indé dans son penchant futuriste-cryptique, au point que vous risquer soit d'adhérer façon bubblegum soit de rester scotché aux portes de leur délire... En tout cas quand j'en vois certains affirmer que le rap alternatif n'est plus ce qu'il était, avec ce genre de skeud mes inquiétudes se dissipent comme les vapeurs malsaines de la soupe à M'zelle Mallon. Humez moi ce fumet les gars... "HMM"... même si vous ne captez pas tout, je vous rassure moi non plus... et eux non plus... aux sons de ces effets spéciaux étranges, on préfère laisser parler les sonorités fluo-repoussantes : boum boum *synthé baveux* boumtchak *cerveau aspiré façon Elmer remue-méninges* flow.