Von Magnet › Mezclador

En cherchant un peu plus d'infos (en vain) sur le spectacle autour de Mezclador j'ai fini par parcourir l'article de Wikipédia du groupe et ai eu la surprise de trouver comme source, entre autres, ma chronique de Computador. L'arroseur arrosé 2.0 ? Tout ce que l'on écrit sur le net peut-il se retrouver comme source, autrement dit comme "preuve" de ce que l'on avance virtuellement ? Raison de plus pour éviter d'écrire des conneries, tiens. Alors Mezclador, sous-titré Le Métisseur, se dit cette fois "cyberethnic cabaret". Je n'en saurai pas plus sur la performance, désolé pour les curieux ; mais j'ai ce CD entre les mains, et il est très bon. Fidèles à leur tradition oecuménique Von Magnet déploie ses influences comme diverses facettes d'une même énigme, même s'ils semblent ici plus s'enraciner dans le Moyen-Orient que sur la péninsule ibérique. La fort belle introduction, évidemment sur fond de Stalker (le film) ne le laisse peut-être pas présager : c'est sur une rencontre entre field recordings, légères touches électroniques et surtout un accordéon utilisé presque comme un orgue que s'ouvre le disque. Mais à partir de 'Deepshade' nous voilà dans les territoires familiers de toute la frange post-industrielle percussive – formellement parlant, celle de Hybryds, Deutsch Nepal, Muslimgauze mais avec cette patte beaucoup plus léchée et une production somptueuse. Et puis, chez Von Magnet, il y a le fond, enrichi d'une multitude de sources – films, discours, chants... - comme eux seuls savent le faire. J'aimerais pouvoir les passer tous en revue mais c'est peine perdue à moins d'avoir un pote dans chaque pays pour reconnaitre sa langue, même si ici la plupart semblent arabes. Alors certes, ce disque est long. Mais je crois que pour une fois, cela fait sa force : il est d'une telle profondeur que l'on s'y perd comme lorsque l'on part dans une ville inconnue et que l'on décide d'aller du point A au point B à pied et sans plan. Une forme de psychogéographie sonore au travers des rythmes subtilement électroniques et d'une richesse atmosphérique intense. L'hybridation électroacoustique a été pleinement absorbée et c'est dans une fluidité parfaite que l'on glisse d'une guitare flamenco à un kick technoïde, d'une basse analogique aux peaux primitives frappées par Mimetic. Il faut vraiment que l'électronique prédomine pour changer l'ambiance en quelque chose de plus science-fictionesque, même si cela n'arrive que rarement, et même lorsque cela arrive la transition est toujours subtile ('Homo Virtualis', 'Matrixx', ou les cinglantes guitares de 'Catalys'). Il n'y a guère que le poussif et sirupeux 'Buddahlike' que je zappe, surtout avec son sample mal mixé qui explose en plein milieu. Passé cette petite scorie il y a encore beaucoup à découvrir dans les zones moins percussives, comme sur le titre éponyme, purement ambient, ou l'impressionnant final néoclassique à la In The Nursery, avec un poème qui donne un indice sur un album à venir une décennie plus tard. Mezclador nous sert de voyage, plus sensuel que factuel, dans l'image d'un Moyen-Orient refusant la radicalité. C'est d'ailleurs sur ce dernier thème que se montera plus tard le très politique Ni Prédateur Ni Proie, abordant quant à lui la difficile question du conflit Israélo-Palestinien.