Lunettes noires, moumoute, fausse moustache... Garage, punk de chambre, lo fi, electro pouet pouet... Alain Véguat... Riffs mogoloïdes... violon trouvé par un clodo, poches vides, tellement qu'il y a de la reverb quand t'y fouilles. Fleurs en plastique. Dans le Mille, émile ! Cheveu, héros du label Born Bad, inspire blinde de définitions aussi simplettes qu'improbables : que ce soit la surf music pour toile cirée d'après-guerre à motif bordeaux, ou une porte spatiale entre un bouge du Texas et le chiotte baigné de lumière froide d'un RER, vous pouvez compter depuis deux ans sur tous les petits scribouillards de mon genre qui se gêneront pas pour se donner un style cool sur le dos d'un groupe finalement pas si dingue que ça, mais chaudement amical et rock'n'roll. Hype parisienne ? Ces gars valent sûrement mieux qu'un étiquettage de coincé, vu de la campagne à laquelle ils semblent naturellement tendre ; Cheveu ne se regardent pas jouer mais se contentent juste de rocker la banane avec la moumoute au vent, à l'arrière d'une ZX avec des couvre-siège à "bouliers" (vous savez, ces tapis de billes de massage en bois supers moches qu'on mettait sur les sièges, si vous avez connu vos grands parents où une vieille tante buveuse de Suze vous voyez d'quoi j'parle), même si les roues de la caisse on été enlevées et le moteur desossé. Cheveu, dans sa casse automobile, se donne des airs de vibroboy impérieux, cultive le yaourt au micro, bref Cheveu est un bien sympathique énergumène. Même quand il soigne son anglais, il sent le Pento ; la copie honteuse du Brylcreem, mais avec le petit ingrédient en plus parce que français. Même en reprenant Vanilla Ice en sacoches ou en lorgnant vers un hip-hop abstract semblant provenir de chez Anticon ("Sensual Drug Abuse Show!"), Cheveu en appelle au croissant-beurre, au beaujolais, à la fougasse primordiale. Cheveu est français, c'est pas d'sa faute, c'est comme ça. Ah, et Cheveu n'est pas drôle, même si on peut croire qu'il essaie - comme un sketche de Kad & Olivier quoi, d'ailleurs la photo du trio à l'intérieur y fait penser - alors l'argument du "j'écoute ça parce que c'est rigolo, ironique, etc" ne tient pas, même si les gars ils collent des étiquettes de fruits pour faire leur pochette. Les guedins. Cheveu sait se rendre insupportable, aussi ("The Show"), un peu comme Beck ou ma prose, c'est à dire sans effort notoire. Cheveu, en fait, avec ses airs de cassoulet en conserve à l'étiquette intestable, nous fait revivre un peu d'une grande décennie où tout était possible, même dans les petites choses : les années 70, celles de Neu!, Captain Beefheart, Metal Urbain. Celles de Mesrine, ce rockeur culte qui en connaissait aussi un rayon question panoplie de lunettes noires, moumoutes et fausses moustaches.