Bloodyminded › Trophy

Milieu des années 90. Mark Solotroff suicide à bout portant Intrinsic Action, son ex-clone de Whitehouse (pour faire lapidaire), et met au monde son rejeton, Bloodyminded. Comme ça, paf, d’un coup d’un seul. Mais pourquoi ? Pourquoi changer de nom, si c’est pour continuer à beugler des insanités sur fond de fraisage ? C’est que Mark veut expérimenter une approche nouvelle du PE, un croisement contre-nature, transgenre exactement, avec d’autres démarches, punk et grindcore principalement. Diantre ! Brainbombs meets Napalm Death ? Non. Disons plutôt l’énergie sans fioriture du punk/hardcore couplée à la fulgurance éjaculatoire du grindcore. A sa sortie, «Trophy» fait figure d’ovni dans le paysage du PE. Rien d’étonnant : 47 morceaux, tout de même, dont certains ne dépassent pas les dix secondes. Voilà qui tranche avec les normes en vigueur. L’approche sonore, également, affirme sa singularité, avec une épure déroutante, chaque morceau étant en fait constitué de notes tenues par deux simples MC-202, sans changement ni effet (hormis les modulations et filtres). Et puis, il y a la voix de Solotroff, sèche comme un coup de trique, claire et mise en avant, chaque mot pesé, qui éructe à tout va. Au programme : des putes, des victimes, des rôdeurs, des sadiques, du sang, du foutre, de la peur, du fantasme, bref, du fait divers bien dégueulasse, du concentré de violence ordinaire distillée du fin fond du Brooklyn interlope. Si le concept est à la base intéressant, sa concrétisation l’est franchement moins sur sa longueur. La plupart des morceaux courts, j’entends ceux inférieurs à la minute, se ressemblent trop pour susciter le moindre intérêt. Du sourire dubitatif sur les premiers, passe-t-on assez rapidement à l’exaspération de voir défiler ces bouche-trous somme toute vains. Je n’aurai pas infiniment plus d’égard pour l’antithétique «Overdrive» qui, du haut de ses vingt minutes, mériterait une belle place d’honneur sur le podium des essais les plus chiants du genre. J’ai connu plus bandant que la lecture d’extraits de rapports de police (enfin je crois. Et même s’il s’agissait d’autre chose, le résultat reste le même) sur fond de synthés cheap. Restent donc tous les autres morceaux, que je trouve pour la plupart bons dans leur froideur cynique, surtout lorsque les MC-202 vont chercher dans leurs tripes quelques fréquences et modulations dures, ou lorsque Solotroff se prend pour un serial killer. Mais même là, Bloodyminded ferait pâle figure face à la puissance torve d’un Brainbombs. Bilan : allez, à écouter quand même, même si c’est du bout des lèvres.