Il est un monde dans lequel j'avais abandonné l'idée de remettre les pieds depuis longtemps. Il s'agit de ce monde stochastique et mutant qu'avait généré Autechre au fil de ses oeuvres arides, que Seekness avait macéré au passage et que Monolake avait remis à jour sur son Momentum. Un espace virtuel donc, atmosphérique dans une certaine limite ; spatialisé tout au moins et dans lequel le son se construit à sa propre guise puis s'amasse autour d'éléments rythmiques parfois abrutissants de répétitivité, parfois brillants dans leurs soudaines sautes d'humeur quand ils ne sont pas tout simplement invisibles, se terrant sous des lignes de basse ou de drone se charcutant à l'envi. Avec Paranoïa Department on y replonge la tête la première. 'Plague' c'est le retour à Autechre circa Garbage / Envane, celui du rythme pulsatoire autour duquel les crépitements vont, tels des lierres, enserrer l'espace sonore jusqu'à l'étrangler, faisant alors monter la tension jusqu'à ce qu'arrive à mi-chemin un simulacre mélodique grinçant en arrière-plan en rappelant les belles années du label Re-Load Ambient, à la sauce dub-techno corrosive que l'on avait pas réentendu depuis Huren & Kareem. Terribles douze minutes donc, qui se ravalent sur elles-même dans un flot bruitiste qui laissera là le dernier kick, avant de nous plonger vers les terrifiantes abysses de 'Collision' qui lui abandonne toute rythmique au profit d'une trame épique qui s'écoute (et se réécoute) outrageusement fort pour en saisir toute la létale substance. Si le premier titre faisait encore écho à l'électronica, celui-ci vient sans honte faire écho à Seekness, Delta Files, Sigillum S (le gusse est italien, notez-le) et, dans une moindre mesure, à l'organicité de Future Sound of London mais tout en ne ressemblant finalement qu'à lui-même tant le mélange ambient post-industrielle et électro expérimentale est ici en symbiose. On s'en prend simplement plein les mirettes et les oreilles tandis que se déroule une histoire sans images tout sauf amène, sur des lignes de basses écrasantes et au travers une multitude d'artefacts tourbilonnants. Lorsqu'à mi-chemin la formule trouve son acmé tout se met en branle (au rythme clairsemé d'explosions - gare aux enceintes !) et quelque chose de l'ordre d'une machinerie souterraine vient prendre le devant, nous entraînant toujours plus loin dans des ténèbres radioactives que l'on croyait à jamais refermées avec la fin des groupes sus-cités. L'EP avec son artwork circonstancié (j'en sais quelque chose) se décline sous forme digitale ou en mini-CDr à packaging triangulaire, détonnant dans une série de minis explorant différentes facettes de la dub-techno et de l'ambient expérimentale chère au label. Il ne reste plus qu'à rêver un album de cette qualité - j'en serai le premier retourné.