Ramones › Mondo Bizarro

Les années 80 n'auront pas épargné les Ramones. En 1983, c'est Marky qui est viré pour alcoolisme. Il sera remplacé par Richie, lui même démissionnaire pour être remplacé par l'ex-Blondie Clem Burke, vite remplacé par un Marky de nouveau clean (tout le monde a suivi ?). Plus grave, en 1989, c'est Dee Dee qui s'en va. Le groupe perd ainsi son compositeur majeur, même s'il continuera d'écrire quelques chansons pour ses anciens camarades. Dur dur, pour nos New-Yorkais, surtout que, à l'instar de nombreux artistes rock, ils verront leur cotation chuter dangereusement face aux assauts de la dance music, du rap et de la pop, surtout après avoir sorti une poignée d'albums n'ayant pas fait l'unanimité chez les fans. Trop limités musicalement, les Faux Frangins ne pouvaient élargir leur palette, ni même imaginer faire autre chose que d'être musiciens. L'histoire est cyclique et les dieux du rock pas toujours aussi ingrats qu'on voudrait bien le croire. Les années 90, c'est aussi l'ère du grunge ; sous l'impulsion de Pearl Jam, Nirvana et autres, une nouvelle génération de kids redécouvre le plaisir du rock pur et sale, sans synthé, composé à 100% d'électricité. Iggy Pop retrouve son statut d'idole du genre, de même que les Ramones. Voilà qui tombe bien, le producteur Daniel Rey qui a pris le combo sous sa houlette est en train de lui redonner un second souffle en lui façonnant un son plus puissant et en leur écrivant même quelques lignes. Tout ça finit par payer au nez et à la barbe des critiques sceptiques lorsque sort en 1992 'Mondo Bizarro', un disque drôlement inspiré, peut-être même l'un des meilleurs des Ramones. Plus motivés que jamais, nos quatre lascars ont renoué avec l'énergie punk des débuts mais avec une production plus au goût du jour ; exit le minimalisme dépouillé et crasseux d'antan, les guitares ont pris de l'ampleur, la batterie cogne de manière plus organique. Qu'ils le veuillent ou non, les musiciens se sont aussi améliorés et cela se sent. Ils nous surprennent même avec une fabuleuse reprise du 'Take it as it comes' des Doors sauce punk totalement jouissif. Joey Ramone se découvre tout soudain l'aura d'un chanteur charismatique avec un timbre assuré, un brin plus grave, voir limite profond (sur 'Take it as it comes' justement), conférant aux morceaux un impact nettement plus puissant que par le passé. On note aussi entre les lignes quelques discrètes influences psychédéliques, voir carrément sixties ('Touring') se mariant à merveille avec le son du groupe. Les perles s'enchaînent, imparables et bandantes : 'Tomorrow she goes away', 'Poison heart'(composée par Dee Dee), 'Anxiety', 'Cabbies on crack', 'Heidi is a headcase' et bien sûr 'Take it as it comes'. Si les textes ne sont pas devenus plus profonds, la musique l'est devenue incontestablement et seul le faiblard 'I won't let it happen' joue le rôle de tache sur cet excellent disque. A noter le bonus de cette édition qui n'est autre qu'une cover de 'Spiderman'... Version punk rock, c'est à s'en jeter contre le mur de joie. Injustement ignoré, 'Mondo Bizarro' représente pourtant l'un des plus magnifiques essais du quatuor.