Vernon Reid › Mistaken identity

Living Colour aura, au final, été le quart d'heure de gloire d'un artiste complet et émérite, Vernon Reid, qui, on en était sûr, n'allait pas tarder à ressurgir du néant. Pour son premier album solo en 1996, il reprend la formule du Living Colour originel, à savoir ce besoin de créer une musique universelle en faisant entrer en collision des idiomes aussi différents que complémentaires, comme le jazz, le hip hop ou le heavy metal. Si "Mistaken identity" est, de fait, un album instrumental, il n'a, en aucun cas, l'aspect stérile, nombriliste et démonstratif des essais techniques des Steve Vai, Joe Satriani ou Yngwie Malmsteen. Revendiquant plus que jamais la pérénité de la culture noire américaine, comme l'illustre sa pochette et ses photos intérieures, ce seize titres sert aussi et surtout de réhabilitation à l'importance de l'apport de la musique noire dans les courants précités. Sur des rythmiques souvent funk ou rap, Dj Logic, aux platines, illumine les interventions guitaristiques de Vernon Reid de samples de John Lee Hooker ou Lightnin' Hopkins. Le groupe Masque est le backing band qui, avec ses interventions sensibles et mesurées aux instruments à vents et aux percussions, donne plus de crédit à l'entreprise. Le choix judicieux des producteurs Prince Paul (De La Soul) et Teo Macero (Miles Davis) ne fait que confirmer l'intention délibérée du guitariste de faire de son premier disque solo une borne référentielle, un point nodal dans le parcours du combattant de cette musique noire américaine rattrapée par l'arrivisme et l'asservissement du blanc colonisateur. Un excellent album de fusion qui n'a pas peur de s'éparpiller pour mieux rassembler et dont on attend toujours une suite.