(Brooklyn Bridge, 1h du mat')... Bon alors t'es à la rue ? Bah écoute, ce soir j'suis d'humeur alors joins-toi à nous, mes homies et moi on va se faire une petite soirée à la cool, si ça te dit... T'inquiètes pas, on est pas méchants... les sapes c'est juste pour faire comme ces mythos de Queens, genre je tue des gens, j'suis un vrai. On zone, c'tout... On mord même pas, on a pas d'dents frère, on marche au ralenti avec les gencives qui grincent. Notre blase c'est une marque de chrome, mais c'est juste pour faire crédible ; on a même pas d'quoi aiguiser nos lames. Mais t'es d'quel secteur toi au fait ? J'te coupe deux secondes : t'as un peu de blé sur toi ? Ok ok... Pas grave hein... Brrrrrrrr. Sa race, ça caille ce soir. Pwak ! Avec ce genre d'hivers secos qui font trembler les dreads, là tu sais qu't'es à New York... 'fin moi j'm'en fous, c'est même un peu ma fierté. On est pas chez ces tapettes de L.A. ici. T'es pas sous les cocotiers, avec leurs caisses qui sautent et leurs biatches au teint praliné et leurs synthés de merde. Ici fait froid ouais. Ici fait gris. Ici des keums comme Cypress Hill gèlent sur place, leur ganja suffirait pas pour supporter le climat. T'façon ici la cendre survit pas. Ici tu fumes pas, t'expires. Même les joints des carrelages s'font la malle. Et c'est un Jamaïcain qui t'causes man. Tandis qu'sur les murs décrépits on colle du papier, ceux qu'ont pas de papiers ont la colle. Derrières les devantures des business de richards, tu respires le vice. Brooklyn, mon ami. Brook. Fuckin'. Lyn. Sous c'putain de vernis multi-ethnique d'album de coloriage, tu payes ta crasse en masse. C'est notre secteur. Notre Bucktown. Ses immeubles. Sa rengaine morose. Et comme je sens qu't'en a marre de marcher on va aller se poser... parce que c'est aussi l'écho de nos polychlorures jazz qui résonne dans ce pur squat-HLM pas encore mis à sac. Une seule locataire est restée, inexpulsée. Y a pas d'huissiers assermentés pour l'amiante. Le saphir creuse les sillons de nos champs mentaux. Faucilles. Coupe-coupe. Grillons. Vapeurs. Les murs dégoulinent... Le papier se détache lentement... par lambeaux. Comme nos p'tites affaires qui rapportent que des miettes. Y a le téléphone qui sonne depuis qu'on a coupé la ligne. Mais peinard. Sois le bienvenu dans nos quartiers. Pose ton cul sur le pouf... ça schlingue je sais. Y a des bruits chelou, ouais... Mais peinard... Peeeeeeinaaaaard. Focalise sur le sax, les basses. Tout baigne dans l'huile. We live in Brooklyn baby.... On est bien... Tu t'sens comment ? Hin hin... Ouais non rien... Quoi ? Le vent qui passe sous la porte ? Des murmures ? Un... souffle... sur ta nuque ? J'comprends pas c'que tu dis, mais c'est marrant. On s'en remet un petit ? Roooh, allez quoi.... casse pas l'ambiance, reviens poser ton cul sur le pouf... Qu'est-ce que tu fous avec ce verrou exactement, man ? Quoi, la porte s'ouvre pas ? Hé les gars, il dit que la porte s'ouvre pas !!! Ahahah, il m'éclate ce mec, sérieux. Arrête de t'agiter comme ça putain... Sois cool - on est tous cool ici non ?... Bon... Je crois que t'as pas vraiment compris. Tu restes.