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Au Pairs › Playing with a Different Sex

lp/cd • 10 titres • 37:12 min

  • 1We're So Cool3:29
  • 2Love Song2:51
  • 3Set-Up3:21
  • 4Repetition3:34
  • 5Headache for Michelle6:39
  • 6Come Again3:54
  • 7Armagh3:37
  • 8Unfinished Business3:29
  • 9Dear John2:57
  • 10It's Obvious6:19

informations

Enregistré par Ken Thomas au studio Jacobs, Surrey, Angleterre. Produit par Ken Thomas et Au Pairs.

Photo de pochette : Eve Arnold.

line up

Paul Foad (guitare, chœurs), Peter Hammond (batterie), Jane Munro (basse), Lesley Woods (guitare, voix)

chronique

Des femmes qui chargent, baïonnettes en avant, sur une plaine. Ce titre. Ce son, derrière, qui surgit sans préambule – groove solide et carré, funk post-punk massif et souple, voix au clair, franche – comme les lames sus-citées, sur l'image – mais pas bêtement agressive, butée, hostile. Elle énonce, c'est tout – en termes directs. On peut dialoguer, parler, mais ce qu'elle affirme n'est pas négociable. Les Au Pairs annoncent le truc d'emblée. Anarcho-groove, espace dub, propos tranché – mais fin, détaillé, lucide.

Jouer avec un autre sexe, oui. Elles auraient pu dire aussi : un autre genre. (Enfin... Elles et ils, d'ailleurs). Au Pairs, nettement, est un groupe féministe – pas enfermé dans le cliché où voudraient le cantonner les détracteurs du mouvement, de cette pensée. Pas d'essentialisme, ici – de répartition des rôles et des couleurs, fringues bleues + ramener la thune pour les garçons ; fringues roses et élever les gosses pour les filles. Les femmes et les hommes, ici, sont appelés à penser, vivre autrement – le groupe leur tend ça, tout cru et bien réfléchi. On vous propose, derrière les barricades, de ne plus baiser, de ne plus aimer pareil – loin des labos sociologiques et des usines de « réarmement démographique ». On vous souffle (assez fort) que la « Révolution Sexuelle » des années hippies a peut-être été en grande partie une arnaque de plus, qui n'a pas changé tant que ça, si ça se trouve, les choses, le fond du problème. Les rôles et les rapports, encore. Tout de suite, We're So Cool vous envoie que non, « l'amour libre » n'a pas vraiment profité aux femmes, que les playboys à cheveux longs et gilets afghans n'ont pas perdu le sentiment d'une propriété qu'il estimaient tout autant que leurs darons légitime, sur leurs partenaires ; que « le couple bourgeois » n'est pas mort dans l'affaire, pas tout seul, que pour trouver autre chose, il va encore falloir chercher – essayer, décider. (Que le polyamour – comme on ne le disait sans doute pas encore, c'est autre chose que les escapades et le retour, parce qu'au bout du jour « you must admit when you think about It that you are mine »...). Ailleurs, ça parle de viol et de torture en période de guerre civile – mais « les nations civilisées ne torturent pas », dit l'adage... Alors ce doivent être les rebelles – les barbares – qui sont les tortionnaires. (Vraiment ?)

Il y chez Au Pairs un côté Gang of Four, d'accord - mais sans les concours de beats marxistes-léninistes, les poses « sérieux à mort » parfois plus qu'un peu forcées. Plus à la cool en apparence – encore plus impitoyables dans le fond, parce que le propos comme la manière ne sont pas là pour l'épate, l'apparat, donc. Même, l'idée est de balayer ce romantisme là – ce qui reste du nihilisme punk (sincère ou pas, c'est encore une autre histoire) dans cette scène, ces non-scènes post ou indus. On ne vient plus pour crever en beauté, souffrir pour être belles et beaux. On ne crache pas sur le plaisir. On l'affirme aussi politique que le reste – c'est à dire pas confiné dans une fonction politicienne spécialisée. On veut qu'il soit fonctionnel, oui, réel – mais pas instrumentalisé, défait enfin de sa limite de simple exutoire avant de retourner... Produire. On veut – je le répète, c'est important, ça l'était alors, ça l'est encore – qu'il serve à autre chose que produire, se reproduire, fournir des rouages humains. On veut qu'il ne soit plus asservi – serait-ce aussi à une Obligation Hédoniste qui remplacerait, mimerait, refléter ait celle du Labeur.

Cet album est unique pour tout ça – tout ce qu'il concentre d'une époque, d'un milieu, tout ce qui reste pertinent, autonome, entier, dans ce qu'il articule, énonce, entendu d'ici. Tout ce qu'il annonce – de mouvements qui suivront, plus tard, en divers lieux (les Riot Grrrls, touts les queercores d'hier ou d'aujourd'hui...). Le groupe n'en restera pas là – et la suite, l'autre disque, qui suivra, ne gâchera, n'invalidera rien. Il précisera, même, encore, ouvrira le champs, aussi – musicalement et pour le reste. Ici, tout est campé brut – impeccablement en place déjà mais la matière délibérément rugueuse, les lignes tendues autant que les flux sont libres. C'est Évident, nous dit la conclusion. C'est évident, percute-t-on l'instant d'après. Ça ne veut pas dire que c'est simple – que quoi que soit puisse être simple. Pas encore, c'est ce qu'on veut obtenir. C'Est Évident, Si Évident... Qu'on n'y est pas encore, et que le divertissement, si on le laisse faire, continuera sans fin à faire lâche diversion. (« You're Equal/But Different »... Ce n'est pas un slogan, connement publicitaire. C'est mieux qu'un mot d'ordre. C'est l'appel au réveil qui ne vous fout plus la paix).

Très bon
      
Publiée le mardi 18 mars 2025

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Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor
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mongolie intérieure, vu que c'est une province chinoise actuelle, ça pourrait être une aile locale du PCC. merci! Bon, papy marx et baby kounine sauront reconnaitre les leurs. edit: ça a pas l'air si loin dans le temps du conflit frontalier russo-chinois (à l'époque Donald Nixon jouait la carte sino contre l'URSS, c'était la manche d'avant).

Message édité le 20-03-2025 à 17:19 par klarinetthor

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Pour Klari - et d'autres qui se demanderaient : la photo d'Eve Arnold (alors photoreporterice pour l'agence Magnum) représente des femmes de la "Milice de Mongolie Intérieure" s'entraînant au combat, et à été prise en 1979. Je n'ai pas trouvé si cette "Milice" était une force nationaliste/régionaliste, locale, une sorte de Maquis qui s'opposait au pouvoir chinois ou si au contraire c'était un régiment/détachement de l'armée de la "République Populaire de Chine", formé et utilisé par le pouvoir central. La distinction a vraiment une importance, hein - vu qu'à l'époque, une purge, une répression (et on parle là de massacre, soyons clair) se poursuivait dans cette région, orchestrée par le Parti contre les rébellions locales et/ou d'anciens éléments devenus gênants, non-conformes, semble-t-il... Je vais tâcher de me renseigner davantage sur cet épisode historique (qui m'a tout l'air d'être bien abominable... Un de plus).

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Disons que pas mal de "problématiques" qu'elles/ils abordaient et formulaient à l'époque sont articulées ou remises autrement dans un espace davantage "public" - et dans d'une mesure très, très relative hein (plus à l'Interstice - ou équivalent, ailleurs, des lieux asso militants très (très) à gauche de Pascal Praud - que sur CNews, quoi) - seulement maintenant, pour aller vite. Enfin, oui, du coup ça veut dire qu'effectivement "on tourne en rond", assez largement. Les mêmes questions reviennent parce que les mêmes non-réponses leur ont été sempiternellement retorquées dans l'intervalle, en gros.

Message édité le 19-03-2025 à 16:24 par dioneo

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Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor
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réécouter en lisant les paroles c'est mieux! les paroles de we're so cool j'ai l'impression que c'est à peu près le même point de vue que le comité imbaisable aujourd'hui (avance-t-on ou tourne-t-on en rond?) Et donc cette photo d'Eve Arnold, elle a été prise dans quel contexte?

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Ah oui, bien vu pour ce Killing Joke là précisément - pour ce qui est du son, de l'attaque musicale, en tout cas (pour le reste, je ne jurerais pas que Leslie et Jaz soient forcément "sur la même ligne à propos de tout", même si au fond j'en sais rien, hein) !

Et oui, c'est pas les Pretenders, c'est sûr - malgré un vague possible rapprochement quant au timbre du chant (mais on pourrait tout aussi bien parler de Marianne Faithful ou de Patti Smith... Et ce serait tout autant en grande partie incident, vu que c'est tout autant pas la même chose).

On devrait reparler du deuxième album dans pas trop, qui est un poil plus disparate, avec une part de dissonnance et de bizarrerie plus frontale qu'ici. Et peut-être bien des Peel Sessions, aussi - qui pour le coup tapent bien juste, sec, tendu et fort.

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