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Mark Lanegan › Blues Funeral

  • 2012 • 4AD 1 CD

cd • 12 titres • 55:22 min

  • 1The Gravedigger's Song
  • 2Bleeding Muddy Water
  • 3Gray Goes Black
  • 4St. Louis Elegy
  • 5Riot In My House
  • 6Ode To Sad Disco
  • 7Phantasmagoria Blues
  • 8Quiver Syndrome
  • 9Harborview Hospital
  • 10Leviathan
  • 11Deep Black Vanishing Train
  • 12Tiny Grain Of Truth

informations

line up

Dave Catching (guitare), Jack Irons (batterie), Mark Lanegan (chant), Martyn LeNoble (basse), Aldo Struyf (claviers, guitare), David Rosser (guitare), Duke Garwood (guitare)

Musiciens additionnels : Chris Goss (guitare, voix), Greg Dulli (chant), Josh Homme (guitare), Alain Johannes (guitare, basse, claviers, percussion, voix), Shelley Brien (voix)

chronique

  • fade

Je ne sais plus qui disait ça, mais quand les gens commencent à aimer tes vieilles gloires, c’est le moment de te poser des questions. Mark Lanegan a toujours été dans la troisième base, d’un groupe de grunge seconde zone (Screaming Trees) alors que Pearl Jam cartonnait (et oui…), des featurings chez les Queens meilleurs que l’ensemble de leurs morceaux, des albums en collaborations avec l’insupportable Dulli et la non moins sirupeuse Campbell – ça sentait déjà un peu le souffre, le Gutter Twins était déjà plus vieux que lui-même à peine deux mois après sa sortie ; quant à Soulsavers, c’était une véritable pépite soul gospel fin du monde façon western mélancolique et c’était le fruit de deux DJ – le rock est fini mon vieux ; et c’est assez curieux, de la part d’un si grand chanteur, à la voix rauque et maltée, de s’être égaré dans la mousse des cocktails trop chers. Le dernier album du cowboy est unanimement encensé absolument partout, et c’est à n’y rien comprendre. Blues Funeral est une soupe fade aux vieux rots des beats synthétiques, d’un blues lointain et scolaire, des claviers cheaps, un rock paresseux dont les relents QOTSA peinent sortir la tête de l’eau. Nul doute que le Mark y met toutes ses tripes fatiguées et ses tatouages ratés avec un lyrisme certain, mais ressembler à Leonard Cohen en pleine descente n’est pas un spectacle très stimulant pour un type qui pourrait sans problème taquiner le grand Waits sur les pistes de danse.

note       Publiée le vendredi 16 mars 2012

chronique

  • bluettes funèbres

Vous avez déjà fleuri une tombe ? Paraît qu'en hiver on privilégie les pensées, façon de symboliser le souvenir du défunt. Pour les musiciens et en toute saison, y a les traditionnels chro-santhèmes, un ornement qui vous laisse un sale goût amer une fois posé sur la pierre. Et histoire de bien faire dans le crasseux, le pas noble, le charognard, ici on - qui sera toujours un con - a laissé la bonne galette au fond de la gamelle, pour avoir de quoi grailler en ce jour funeste du 22/02/2022. Dédaignée comme si c'était écrit, dans cette voix grave, dans cette voix-tombe. Gravé dans le fond de sauce, dès la ritournelle en gravy épaisse, en mélasse mazoutée, du beat de "The Gravedigger's Song", de ce Mark desséché, et pourtant suintant d'émotions aussi ancestrales et brûlantes que la poix des feux grégeois, quand il entame par "with piranha teeth, I've been dreaming of you", puis grogne "ooooh I've been thinking of you, with razor white teeth so sharp". Ouais, rien que dans son ronronnement rugueux, les signaux suffisaient à convaincre qu'on tenait encore un album cramé de vécu, qui puerait encore plus la mort après, mais dont on verrait vraiment et comprendrait toute la beauté qu'après. Un album suspendu comme son vieux mollard au bourbon bas de gamme agglutiné sur la luette, collé à l'humeur du chroniqueur-fossoyeur, comme la crasse indélogeable sous les ongles de l'âme du loup garage Lanegan. Riveté à ces nuits grillées l'une après l'autre sans compter, sans vider la cendre, un album résolument étranger à des descriptifs tels que "soupe fade" (l'auteur ayant beaucoup écouté John Zorn, nous nous montrerons magnanimes) et collé au plus près du spleen et de la couenne de ce survivant aux bras ballants. Cette carcasse dont il n'a longtemps su que faire, à rôder, à marauder, à observer d'affreuses déchéances sans voir le bout de la sienne. Comme si c'était écrit dans la magnétique guitare plaintive de "Riot In My House", dans l'electropop nouvelle chez Markounet, de "Ode to Sad Disco" ou du final, cette fusion presque oxymoresque et pourtant étrangement belle, du synthétique suranné et de l'ossuaire blues-folk, cette lueur retro-fraîche sur ces songes rances... Comme si c'était marqué dans ce Blues Funeral qui est comme un Bubblegum qu'on aurait laissé traîner collé sous le comptoir, séchant longuement et muant en une sorte de minéral, aux ensorceleurs reflets de nacre, nourri aux ondes des radios et aux spiritueux déversés sur le zinc, comme la liqueur dont il parle sur "St. Louis Elegy". Comme si c'était marqué entre ces cordes amples, dans cette angoissante sérénité de la dream-pop U2-esque mais virile que Lanegan laisse suinter sur "Harborview Hospital", avec sa mystique d'épiphanie cheap mais assumée, aussi blafarde que le plus vieux néon du plus vétuste cagibi de cet hosto, aussi hagarde que le coyote traversant l'avenue dans Collateral. Comme si c'était écrit dans ce "Leviathan" entre air trad' et Beatles en décomposition avancée, dans l'ultraclassicisme subtilement onirique de "Deep Black Vanishing Train", ou dans le standard-né "Bleeding muddy water", mélopée symbolisant ce Mark en mue de l'americana au rock synthétique, par le truchement des Reines Préhisto auxquelles il a apporté plus qu'une simple présence. Un Lanegan en mutation autant qu'en pourrissement, sans doute imparfait, bancal même, très de traviole voire, mais aussi sincère qu'une grosse ronce enroulée autour du cœur - ce fruit dégueulasse qu'on a foutu en cage et dans lequel les regrets restent "jusqu'à ce qu'on meure", comme le chantait un autre toxico d'amour. Lanegan a esquivé maintes opportunités, a saisi quelques perches sans trop calculer, s'est laissé vieillir en tannant tranquillement cette voix unique, pardon sublime, en se demandant un peu ce qu'il foutait encore là. La procrastination est un cancer bien particulier et cette garce a, tout aussi sûrement que ses excès et sa dernière crève, contribué à lui faire la peau. Restera son squelette et quelques disques tenaces, dont celui-ci, qui forcément a pris une saveur encore plus forte, de son titre à... tous ses titres. Comme si tout ce gris avait viré au noir, à perte de vue, cendar géant. Et au milieu de ce désert, abandonné aux esprits de poussière, un cœur béant.

note       Publiée le mardi 22 février 2022

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Note moyenne        17 votes

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saïmone Envoyez un message privé àsaïmone
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Cette superbe chro m'a fait douter, et puis... définitivement, non. RIP man

Message édité le 24-02-2022 à 14:44 par saimone

Note donnée au disque :       
Richard Envoyez un message privé àRichard

Plume de Corbeau toujours aussi belle et originale.

Dun23 Envoyez un message privé àDun23

Me le passe en ce moment. Il est de circonstance, je suis en deuil et j'ai le blues. Deuil de cette voix unique et sublime. Merci Raven pour cette contre-chro.

Note donnée au disque :       
miss guts 2008 Envoyez un message privé àmiss guts 2008

Merci et bravo. En effet, passées les années et la surprise à sa parution, c'est un des tous meilleurs à mes yeux.

Fabb74 Envoyez un message privé àFabb74

Quel bonhomme ! Je m'en vais réécouter les 5 premiers titres de son album avec The Gutter Twins. Son grain de voix y est particulièrement précis. ...monde de merde...