Geto Boys › The Geto Boys

Les Ghetto Boys, à la base copies hardcore texanes bas-de-gamme de Run DMC et déchets sociaux notoires, ont passé le niveau supérieur et décidé d'incendier - verbalement, surtout - un style initié par les ténors du genre à coups de provoc bulldozer, sans se soucier une seconde de la moindre notion de finesse... à moins de considérer qu'un phallus introduit de force dans une bouche en lui limant au passage les dents soit un symbole de finesse. Après deux premiers albums potentiellement cultes mais esthétiquement pas très à leur avantage, Rick Rubin, le non moins culte producteur-instigateur du renouveau hip-hop pas encore transformé en feignasse surrestimée, est chargé d'en remixer les meilleurs morceaux compilés. Il les dote d'une musculature imparable, qui je l'espère fournira à vos petites faces de rats le poing nécessaire pour les écraser définitivement. S'y ajoutent trois nouvelles pistes, dont la finale "City Unter Siege", un des secrets les mieux cachés du hip-hop et une véritable boucherie. Associez le parfum de vendetta et de too much de NWA, des flows cannibales et des beats ultra-cravacheurs sur toute une sauce écartelée de samples jazzy-funky-soul-rock bien basiques, et vous obtenez un hold-up total, une armada de hits farouchement psychopathes et funky, bruts de décoffrage, qui ont dû coller des suées d'inquiétude aux kings new-yorkais et angelins le jour où ils firent surface. Bushwick Bill, rappeur nain et bientôt borgne (il perdra un oeil suite à une baston éthylique avec sa femme l'année suivante), et le persuasif Scarface ("le pseudo était dispo, il l'a pris" comme la légende le raconte - ou pas) assurent un divertissement vicieux permanent, au coude à coude avec l'affreux Willie D pour du déroulé de rimes scabreuses. Des histoires vécues se mêlent aux fantasmes, aux pulsions de mort de cerveaux irrigués par le crack et l'alcool de grain, formant un recueil charmant dans lequel excès et sauvagerie sont les maîtres mots. "Houston, on a un problème..." Viol nécrophile, misogynie défoulatoire et grand-guignol sanglant se succèdent sans temps mort, formant un tout compact et indivisible en forme de gros "FUCK YOU" rance à la face du bon goût. Les Geto Boys furent simplement les premiers rappeurs à y aller aussi franco dans la provoc gore et cul, et au niveau création de scénettes crades et méchantes, personne ne les a surpassés. Plus tard, tout un tas de MC's avides de renommée sulfureuse se revendiqueront "horrorcore" en se calquant sur cette matrice, mais eux auront besoin d'une musique ouvertement glauque pour y faire croire - les Geto Boys, eux, étaient capables de te lancer de sales visions d'homicide même en rappant sur des samples très faciles de "Sweet Home Alabama" (chanson de rednecks jusqu'alors inconnus en réponse à un clash du vil Neil Young) ou de "Money" (obscure tentative de tube d'un groupe de pédés flamands). Le p'tit truc magique là-dedans il faut bien le dire, quand même, c'est aussi cette sensation qu'ils prennent tout ça comme une rigolade potache, accentuant l'aspect à la fois ultimement cool et sublimement sordide de la chose... Un disque fait par des crevards, pour des crevards.