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Yo La Tengo › May I Sing With Me

cd • 11 titres • 52:15 min

  • 1Detouring America With Horns3:56
  • 2Upside-Down2:31
  • 3Mushroom Cloud Of Hiss9:09
  • 4Swing For Life5:01
  • 5Five Cornered Drone (Crispy Duck)6:26
  • 6Some Kinda Fatigue4:26
  • 7Always Something4:30
  • 886-Second Blowout1:26
  • 9Out The Window3:53
  • 10Sleeping Pill9:25
  • 11Satellite2:12

extraits audio

informations

Enregistré aux studios Fort Apache, Cambridge, Massachusetts par Lou Giordano, assisté par Carl Plaster, sauf 4 et 5, enregistrées aux studios Water Music, Hoboken, New Jersey par John Siket. Mixé aux studios Sound on Sound, New York City, par John Siket. Mastering aux studios Sterling Sound par Greg Calbi. Produit par Gene Holder.

line up

Gene Holder (basse sur 4 et 5), Georgia Hubley (batterie, chant, un peu de feedback), Ira Kaplan (guitare, chant), James McNew (basse, un peu de chant, un peu de tapage)

chronique

Parlons un peu des faux départs. Des fausses pistes et leurs chaussetrappes qui basculent la dimension. Detouring America With Horns commence doucement, en accords clairs et lignes glissées. Comme une suite directe, une coda, presque, au Fakebook d’avant – ce recueil tout-folk, tout-pop, de reprises aux origines mêlées, ballades californiennes, complaintes britanniques tournées par voie de tact en poèmes détachés ; avec parmi ceux-là, une poignée des leurs, Georgia, Ira, illuminant les autres. Voici maintenant que s’ajoute un autre nom : James McNew – à la basse, au chœur, au surcroit de moyens – vient faire le troisième, s’installe pour un moment (il y est toujours, au fait). Et tout de suite, se fait pivot. Cette sonorité ronde mais solide, inamovible, cette élasticité toute bombée d’énergie… Et ce timbre qui s’intercale parfaitement aux deux autres. Cette fois, le groupe est au complet – il n’y a d’ailleurs sur celui-ci pas d’invité, tout juste Gene Holder, déjà là sur les précédents, qui tient la basse sur deux morceaux, peut-être enregistrés avant l’arrivé de McNew. Et ça commence tout doux, disais-je. Bien à l’abri comme Georgia, sise sous son parapluie – comme un rappel de cette image furtive qui traversait le clip de The Summer, l'année d'avant. Mais… Une seconde ? Pourquoi, cette fois, le fond est vert bouteille, frondaison, gouttes écrasées ? Et non plus rouge-rose de terrasse en été ? Mais… Voilà l’emballement qui monte ! Qui entre l’air de rien, qui enfle aux guitares, aux voix harmonisées. Pas une violence, pas d’explosion mais une sorte d’élan qui saisit la chanson, la propulse, lui infuse un souffle d’ivresse légère mais entêtée. Upside-down, nous annonce la suivante. La tête en bas, sens dessus dessous. Et le tempo se maintient, monte d’un cran, même, sans que ça crève encore tout à fait ; le bobinage continuant de se charger, encaissant tant que ça tient en attendant de faire ignition. "Ça" ? Mais… L’Electricité ! La troisième plage lui lâche la bride – Mushroom Cloud of Hiss : le Nuage Champignon après que ça ait fait BOUM ! Avec en lieu de particules irradiées, les sifflements des circuits de l’ampli, des micros qui ne tiennent plus la dose qu’on leur injecte. Il y a sur ce morceau comme la continuation d’une tradition folle qu’eux-mêmes, Yo La Tengo, auraient instauré à leur usage propre et en partage, avec cette version live de The Evil That Men Do qui faisait fracture sur leur troisième album – President … - les annonçait artificiers aux poches pleines d’amadou. Mais cette fois ci cet art d’éclater le riff, de déchiqueter la fulgurance pour qu'elle retombe en étincelles, est bien plus maîtrisé ; bien plus assuré, le geste ; mieux connus les délais de l’allumage des mèches au départ des fusées. Au point que ça finit dans un bain de flammes bleues, les machines râlant et couinant leur consentement, leur contentement, la satiété d’être ainsi débordées, le plaisir qui s’écoule et bouillonne par les brèches… L’électricité ? C’en est un festival, à vrai dire, ce disque. Elle se décline à toutes les formes, se métamorphose de plage en plage. Elle est le moteur, le carburant, le motif de l’offrande. Elle parcourt l’épiderme, excite en dessous des tissus plus sourds, veloutés, aux pièces les plus calmes. Elle tranche quand le tempo s’emporte – aux guitares hautes et basses, aux cymbales craquelantes, aux roulements en pelotes défaites. Elle s’alanguit et alourdit les membres, bourdonne aux cinq coins quand la battue se poisse. L’électricité. Qui vous emporte d’un seul souffle, tenu exactement quatre-vingt six secondes… Pourtant le groupe, s’adonnant à la Fée, ne passe pas du côté des parades sans âmes. Bien au contraire : le disque, de bout en bout, de part en part, nous transmet comme jamais ce sentiment d’intimité, de proximité – en même temps que l’étrangeté diffuse, insaisissable, qui est une autre part du charme – qui s’éveille en feu couvant dès que s’allume leur musique, depuis les premiers jours. Ce n’est pas non plus que ces désormais trois-là – ni le couple, en premier – nous glisseraient des confessions, nous détailleraient leurs existences, nous enjoindraient, d'intrus, à nous faire complices. La parole, à vrai dire, n’a pas toujours tant d’importance dans leurs agencements, leurs jeux de distances et d’angles, leurs alliances thermiques - ou alors comme le reste : par énigme, ellipse, amorces infléchies... Et même, quand elle fait sens, l’explicite se fait le plus souvent trompeur, l’allusion se nourrit à son ambiguïté, s’enrichit de ses écarts. Le coq à l’âne fait lien, le verbe comme les sons se juxtapose en perspectives… Mais revenons ! L’intimité, disais-je, l’impression que tout ici, chaque courbure, chaque variation de pression, glissement de tonalité, éclat de corde ou dilatation de métrique, est fait pour épouser la forme changeante du moment, du temps qui s’ouvre sous l’écoute. L’électricité, chez Yo La Tengo, ce n’est pas un masque – ils en ont d’autres dont ils usent, non en menteurs mais en climatologues. C’est le principe vital, l’exposant des cellules, le multiplicateur ; c’est la force d’attraction ; c’est l’ozone accumulée, même aux soirs les plus calmes où l’orage est distant. C’est la nuée autant que l’éclair. Ce sont leurs voûtes qui cette fois nous captivent à toutes fibres.

note       Publiée le dimanche 19 février 2012

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Tiens, je me rends compte que je ne t'avais pas répondu sur mon "podium", Giboulou (sept mois plus tard... ça c'est de la réactivité !). C'est à peu près ça, en ajoutant I Can Hear (toujours à part pour moi, pas seulement parce que c'est le premier que j'avais écouté) et Summer Sun - ce qui fait carrément un escalier plutôt qu'un podium à force, OK... Et sinon là je réécoute Fade et il passe pas mal du tout, neuf ans après sa sortie (et autant où il avait tendance à me glisser dessus... Réactivité bis - en même temps faut dire qu'il incite à prendre le sien (de temps), avec ses textures de claviers bulleuses et ses parties de gratte acoustique qui dérivent).

Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

@dioneo Si comme moi, ton podium élargi c'est May I sing / Painful / And then nothing / Popular Songs, tu devrais vraiment aimer There's a riot going on. On y retrouve cette science de l'équilibre et de la composition pop si caractéristique. "For you too" est un morceau exceptionnel de ce point de vue. Sinon Fade est un album sympa de Yo la tengo, ce qui le place quand même très haut dans la constellation indie US. Je l'ai beaucoup apprécié / écouté à sa sortie. Bizarrement, je n'y reviens pas aussi / assez souvent. À réécouter.

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Merci... Faut encore que je la finisse, cette disco, d'ailleurs - au moins por ce qui est des albums "à part entière" (hors EP, B.O. diverses...). Je dois dire que j'ai beaucoup moins "pratiqués" les albums d'après Popular Songs (que j'aime beaucoup), ceci-dit... Jamais complètement entré dans Fade, assez peu écouté les deux suivants (alors que j'avais bien aimé There's A Riot...) et je n'ai pas encore essayé celui de 2020 (We Have Amnesia Sometimes). J'y retournerai, allez, on va pas en rester là.

Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

Un album essentiel dans l'évolution du groupe. L'arrivée de James donne- grâce à son jeu de basse souple et puissant- une profondeur nouvelle aux compos du duo/couple. De fait, la métaphore climatique de la chro est particulièrement appropriée. J'adore vraiment ce disque car il garde la fougue encore un peu late 80's de l'indé US (Dinosaur Jr, voire même un petit côté à l'arrache type Camper Van Beethoven) tout en annonçant ce style unique (j'insiste) qu'ils affineront par la suite. Enfin, je suis amoureux de "Outside the Window". Cette chanson. La version démo sur "A smattering of outtakes and rareties" (qui deviendra le disc3 de prisoners of love dans les rééditions) est encore meilleure. En tout cas, les chroniques de Dioneo concernant Yo la Tengo sont vraiment excellentes. Difficile de faire mieux pour exprimer en mots ces sons. Chapeau l'artiste.

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cyprine Envoyez un message privé àcyprine

Même Gulo a aimé, ou supporté, je ne sais plus, mais c'était positif.

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