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Yo La Tengo › Ride The Tiger

cd • 15 titres • 51:05 min

  • 1The Cone Of Silence2:50
  • 2Big Sky2:46
  • 3The Evil That Men Do4:11
  • 4The Forest Green3:24
  • 5The Pain Of Pain5:36
  • 6The Way Some People Die3:38
  • 7The Empty Pool2:22
  • 8Alrock’s Bells4:09
  • 9Five Years3:46
  • 10Screaming Dead Baloons3:17
  • 11Living In The Country2:14
  • The River Of Water (7’’)
  • 12The River Of Water2:30
  • 13A House Is Not A Motel3:43
  • live '86
  • 14Crispy Duck3:04
  • 15Closing Time3:45

informations

1-11 (album original) : enregistré par Kent French au studio White Dog, Boston, en décembre 1985/Janvier 1986, produit par Clint Conley. 12/13 : enregistré en mai 1985 par Robert Miller au studio Water Music, Hoboken. 14/15 : Enregistré ‘live’ en avril 1986, ‘amélioré’ par John Siket au studio Sound on Sound, New York, en mars 1993.

Les plages 12 et 13 constituaient à l’origine le premier single (7’’) du groupe – The River of Water – sorti sur Egon Records en 1985. La plage 13 – A House Is Not A Motel – est une reprise du groupe Love. Les plages 14 et 15 viennent d’un enregistrement en concert fait sur cassette en avril 1986 puis ‘amélioré’ (enhanced) en mars 1993, inédit jusqu’à la parution de l’édition CD.

line up

Clint Conley (basse sur 4, 7 et 8), Georgia Hubley (batterie, pochette), Ira Kaplan (chant, guitare naïve), Chris Nelson (trombone sur 12), Dave Schramm (chant, guitare informée), Mike Lewis (basse), Dave Rick (basse sur 12, 13), David Bither (saxophone sur 10), Mike Tchang (saxophone sur 12)

chronique

Comment décrire une telle évidence ? Sans fausser l’impression, j’entends, de cette fraicheur toute singulière qui ne doit pas – ô loin s’en faut – qu’à l’air du temps, aux bonnes conjectures, aux astres alignés ? Sans masquer les reliefs sous l’apparence tranquille, sereine ? Sans risquer qu’on sous-estime, à la lecture, la portée de leur regard, à ceux-là ? Comment laisser entendre – sans froisser le charme, exactement ou peu ou prou comme eux y parviennent dès l'entame – combien Yo La Tengo, sous l’indolence affichée de la marche, derrière cet air de ne manier que du très familier, du contingent à son époque, à ses points sur les cartes, ne tient jamais en place ? Et pour autant ne s’égare pas, ne bâcle rien, s’abstient de la sorte d’agitation qui gâterait l’excitation… Yo La Tengo, donc ; résidents d’Hoboken, New Jersey, déjà et pour toujours ; Ira Kaplan, Georgia Hubley ; couple, voix, guitare, batterie ; Dave Schramm, encore présent (et qui, curieusement, reviendra seulement, ensuite, sur leurs albums "de reprises") pour écriture, idées, goût du jeu ; squelette de smilodon sur pochette blanc bleu vert… Quelques autres ici, sur ce premier album : qui passent et puis s’installent, se refilent les instruments. La basse qui va de mains en mains – quelques années s’écouleront, d’autres disques encore avant qu'arrive le troisième membre fixe, que s’impose en un instant la pulsation pleine, souple, ronde et musculeuse, inamovible de James McNew. Des amis, des proches. Des gens qui se joignent, dans l’urgence d’un disque pas forcément planifié, pas tellement prévu d’avance. Des relations qui enluminent cette poignée de chansons, apportent au jeu de la paire ce qui manquerait encore à leur technique en bourgeonnement. Soulignent de leurs motifs, de leurs textures, de leurs voix plus assurées, l’astuce de l’écriture, l’équilibre propre de ces onze sarments fraichement cassés, liés en faisceau lâche mais solide dans la paume. Ouvrent à la musique une place où se mouvoir, s’épanouir, couler en brasses la grâce naturelle, intuitive de son mouvement. Offrent les angles où se logent et foisonnent les amours innombrables de ces deux-ci : juste comme il faut pour que l’érudition ne pèse pas, ne tourne en mauvaise concoction, en marmelade de références. La musique de Yo La Tengo répond ici – bien plus qu’à n’importe quel autre point de leur discographie, à mon sens, mais sans déjà quelle suffise à la contenir – à la définition qu’en donnera la critique, invariablement, de ce premier jour jusqu’aux nôtres : une somme jamais figée, jamais arrêtée, de tout ce que l’époque comptait de frondeur, de neuf… D’indépendant au sens entier du terme – pas seulement donc celui que lui donneront bientôt les marchands d’underground sous labels Indie Rock. Il y a sur ce premier disque un emportement qui jaillit – comme nulle part ensuite chez eux, certes – en lignes limpides mais plus tendues qu’ailleurs, déliées mais directes, immédiates. Un cousinage proche, par moments, avec ce qui se jouait quelques temps avant chez Violent Femmes – sur le disque à la petite fille, surtout ; un jeu instrumental, parfois, qui tient du soubresaut musculaire ; à ceci près que l’amplitude, pourtant, se fait exacte, miraculeusement maîtrisée ; et qui propulse un folk pratiquement acoustique – au son clair, en tout cas, presque tout du long – l’innerve d’une énergie garage, d’un feu d’après que le punk ait fait sauter les sédiments : jarret durci, l’œil fixé loin devant. Dans un registre proche, certains passages évoquent aussi – avec une crispation de la mâchoire sans doute moins marquée – les chansons compactes et les mélodies sans défauts de Mission of Burma… Ce qui à tout prendre n’étonnera pas, puisque Clint Conley – bassiste et chanteur dudit groupe – cogne ses cordes sur trois chansons, en plus de produire le disque. Mais voilà… A vous citer tout ce monde, je crains encore de rater le coche, de vous le faire passer avec moi sans bien voir. Que ce bref panthéon d’une époque passée ne fasse de l’ombre à ces onze plages – si l’on s’en tient à l’album d'origine, sans compter les ajouts à l’édition CD – à ce qu’elles exhalent d’unique, de déjà bien en place et toujours en mouvement… A cet art qu’affinera bientôt le groupe, de n’être jamais où on l’attend sans que pour autant quoi que ce soit ne sonne forcé, ostensiblement déplacé, artificiel – suspendu aux attentes dans la fuite même qu’il affecterait. Alors je tais les autres noms – et parmi eux les plus anciens autan que ceux de leurs contemporains. Le temps viendra sans doute d’y faire allusion. J’évoque en indice, à la place, cette ouverture – The Cone of Silence – je m’interroge sur cette curieuse image qui lui fait titre ; je prête l’oreille, pour la millième fois en trois jours, à cette merveille d’apaisement sans torpeur – Five Years – qui se glisse sans à coup à la fin d’un Screaming Dead Balloon’s tout haletant, tout compact, agile et ferme comme l’accès qu’il est : d’un rock’n’roll à son plus pur et son plus abouti. Sans complication ni sans rien qui manque. Sans bruit inutile. Avec un emportement dans la voix – oui, une sorte, presque, de rage juvénile – qu’on entendra rarement, plus tard, chez Kaplan… Mais pas encore, toutefois, ces incroyables techniques dans le maniement de la guitare en embardées, qu’il se trouvera ailleurs, l’art de faire déborder les amplis en saturations de pur plaisir affolé, au beau milieu des cours limpides et des espaces aérés. Hubley, de même, n’en est pas tout à fait à sa manière sans pareil d’intriquer la battue primaire – comme la Tucker du Velvet, oui, à peu près – aux arabesques et aux tintements de cymbales qui verseraient jazz pour se délasser, aux éléments de percussion embarqués aux escales… Il n’empêche. Combien de groupes hors celui-ci, sauraient chanter ainsi, sur une mélodie toute lumineuse – en arpèges franchement country, contrepoint véloce, orgue d’âme et chœur en double ligne d’harmonie – une telle étrange histoire sur la façon qu’ont certaines gens de mourir ? Quels autres sauraient conclure d’une envolée lyrique aux si vives flammèches ce titre à l’allure trompeusement pédestre, linéaire, nommé The Forest Green ? Alors voilà, c’est entendu : Yo La Tengo, déjà bien versatile, ne trouve pas encore tout à fait le liant, l’art, d’un monde à l’autre, de tout franchir d’un pas qu’on les voit à peine esquisser. Ce disque, dans sa manière de parcourir tout ce qui passe par ces deux têtes, ne parvient pas encore à l’incroyable cohérence que toucheront d’autres, très bientôt, qui s’élanceront pourtant depuis de mêmes prémisses. Tout s’y joue pour soi-même, chaque index peut s’écouter isolément. Tout ne semble pas encore mystérieusement s’y répondre, d’une histoire disparate à un récit étrange. C’est une partie de son attrait, qui le met à part dans une lignée dont il est le premier – et qui sera de toute façon toujours trop vivace pour qu’on puise la cerner. C’est ce qui peut faire, également, que Ride The Tiger trouvera moins souvent, moins facilement son heure à nos logis esseulés, aux bonnes compagnies dont on peuple nos soirs, aux matins où l’on émerge. Mais les fois où, pourtant… Chevaucher le Tigre : il faut pour ça une confiance intrépide, aux confins d’une innocence que si peu gardent, passés l’enfance. Il faut l’appréhension – qui est surtout de ce même âge – par quoi l’on est sauvé, puisque par elle on trouve comment serrer juste assez le corps de l’animal, afin que dans sa course il ne s’irrite pas, ne se pique de dévorer… L’évidence, disais-je. Elle ne masque rien. Ce disque est une entrée, plus dérobée que d’autres, au chambranle moins ouvragé. Passé le porche, à dos félin, ce ne sont pas des terres moins vastes ni des galeries en moindre dédale.

note       Publiée le samedi 18 février 2012

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Je lui préfère largement d'autres par la suite, moi aussi. Mais à mesure que je le réécoute, je le trouve meilleurs qu'en première impression, je lui trouve aussi quelque chose de spécial... Je serais tenté de lui mettre 3/6 par rapport à mes préférés, OK, en faisant le râleur ; et 5/6 en tant qu'excellent disque tout court, hors le contexte bien spécial de leur discographie. Du coup...

    La suite devrait arriver assez vite, oui, au fait.

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    Seijitsu Envoyez un message privé àSeijitsu

    Hoho, aujourd'hui est un grand jour mes amis, Yo La Tengo est enfin sur Guts ! Par contre, je trouve que c'est leur disque le moins bon même s'il n'est pas déplaisant. J'attends surtout la suite avec impatience.

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