La chasse à la baleine c’est quelque chose d’infiniment triste et d’incroyablement barbare. La traque est longue, le harponnage délicat, quant à la prise, elle dure si longtemps qu’on pourrait assister à la terminaison du monde. Ils sont nombreux à s’être noyé pour l’occasion. D’autres ont déversé des tonnes de litres de sang dans les mers gelées du Nord de l’hémisphère. Rares sont ceux qui ont aimé l’aventure, le temps passé sur le navire, la proximité des matelots, la pluie, le vent, les secousses interminables des marées, l’estomac balancé, l’équilibre précaire. Deafheaven est épique comme du Moby Dick : long paysages mornes et gris d’un océan peinant à trouver sa tempête ; tempête sourde qui éclate bêtement quand on s’y attendait, sans aucun recours, aussi longue et tumultueuse que prévue, puis le calme, encore. Deafheaven invoque quelques sanglots, Envy, Uranus, joué dans un blackened metal marathonien de collège type Liturgy ou Cobalt, et des grosses louches de post-rock angoissant classiques autant qu’efficaces. Deafheaven a déjà quelques siècles, en retard et en avance, précis comme une prière qui se trompe de Dieu, sans qu’il soit possible ne serait-ce que d’imaginer ce que sera demain. Arpenter la route devient une fin en soi : ce n’est pas le but qui compte, c’est le voyage. Deafheaven navigue dans la tempête sans outils, dans un espace clos mais infini, sans jamais couler ni perdre un chemin qui ne mène nulle part.