À la manière d'autres ouvrages (le Livre des Morts Tibétain pour ne citer que lui), Alice aux Pays des Merveilles semble parfois relever davantage du rite d'initiation que du simple support thématique pour les artistes qui s'y attaquent, le défi étant d'affirmer sa spécificité en se jetant dans le terrier du lapin sans trahir l'essence de l'oeuvre originale, et d'en ressortir grandi. C'est Randy Greif qui l'avait brillamment déchiqueté au début des années 90 et c'est, incidemment et dans un tout autre registre, Klimperei qui s'y colle au tournant du millénaire. Alors Klimperei, pour faire simple, est (était ?) un duo Lyonnais exploitant des boîtes à musique trafiquées, des jouets, des pianos préparés dans la lignée familière de Pascal Comelade, Pierre Bastien et Yann Tiersen. Le thème récurrent, répété et dérivé à outrance, rythme l'aventure miniature au milieu des sons de cloches, de piano et de mélodica. Les textes, issus de la traduction francophone du livre, sont chantés comme des comptines un brin tordues qui rappellent de façon évidente les Residents, comme sur 'Berceuse' ou 'La chanson du Homard'. Malheureusement, le désir de rester dans l'enfantin et le miniature dépouille certains passages de leur intensité : sur le 'Terrain de Croquet de la Reine', la fanfare de cuivres sonne bien maigre et les passages plus emportés, qui ont tout à gagner d'une ambiance bizarroïde faite de brics et de brocs, se retrouvent à peine plus appuyés que leurs confrères plus calmes. L'éternelle récurrence du thème principal, qui se poursuit de l'Autre Côté du Miroir, finit aussi par taper un peu sur le système. C'est d'autant plus dommage que de petites merveilles se cachent ici et là, tel le final 'Qui a rêvé cela ?' agrémenté d'une petite guitare et d'une mélodie que les amateurs de Tiersen ne manqueront encore pas d'apprécier. Le côté enfantin de l'ensemble, bien que parfaitement assumé chez Klimperei, est ici prépondérent : il semble bien que pour ce disque du moins, le duo s'addresse vraiment aux enfants. On a beau se laisser prendre dans le jeu des timbres sonores, l'immersion quant à elle reste un peu au point mort.