Chaque style a ses prophètes annonciateurs, sa Sainte-Trinité ou son carré d'as ; dans le cas du doom, si la palme revient incontestablement à Black Sabbath, certains ont parfois eu tendance à qualifier de proto-doom la moindre formation post-hippie véhiculant des thèmes mystiques. Rien à voir avec Pagan Altar ; à l'instar de Pentagram, eux peuvent réellement figurer parmi les pionniers du genre, tant grâce à leurs inspirations occultes que leurs compositions. Fondé en 1978 par deux Britanniques, les cousins Alan et Terry Jones, ce projet s'inspire beaucoup des compatriotes de Black Sabbath, puise ses thèmes dans la sorcellerie et le satanisme et se fait remarquer par ses concerts où les membres jouent vêtus de capes. Il faudra attendre 1982 pour la sortie d'une première cassette démo, rééditée en 1998 (lors de la résurrection du groupe) sous le titre de 'Volume 1'; aujourd'hui reconnue comme culte par les aficionados, elle ne permettra pourtant pas au groupe de goûter au miel du succès car se détachant trop des canons du heavy metal alors en vogue et, faute de label et de débouchées, Pagan Altar sombrera progressivement dans l'oubli avant un retour fracassant plus de vingt ans après. Ceci est une autre histoire. 'Volume 1' est un excellent album proposant un doom très old school très influencés par Black Sabbath, Black Widow, mais également quelques restes psychédéliques des 70's. Soignant leurs atmosphères (chants incantatoires en introduction de 'Pagan Altar', bruits de vent et synthé glacé pour celle de 'Judgement of the dead', sans oublier les percussions funèbres et l'appel aux forces infernales pour 'The black mass' ou les accords acoustiques folk de 'Acoustics'), les musiciens font montre d'un talent mélodique certain et travaillent beaucoup les riffs, avant ce son daté typique, un peu gras et jouissif. Les arrangements doivent énormément à la bande d'Ozzy mais on sent bien que Pagan Altar ne sont pas des plagiaires tant la fluidité des lignes prouve que ces types sont dans leur monde à eux, mystiques en diable; il en découle des pièces variées, riches en rebondissements. Le chant dégage cette touche vintage dont je raffole, bien loin de toute sonorité heavy aiguë ou d'une quelconque tentative de growl ; placé en retrait au mixage, il prend dès lors une pose fantomatique qui participe au climat des chansons. Voilà la parfaite bande-son pour évoquer l'Angleterre rurale et ses traditions, ses superstitions, telles que décrites dans les films de la Hammer et si, comme tous les pionniers du style, il aura fallu à Pagan Altar patienter longuement avant de voir leur talent reconnu, on ne peut que se féliciter de ce retour en grâce amplement mérité...