The Runaways › The Runaways

Si vous avez vu le film 'The Runaways', peut-être vous souvenez-vous de cette scène épique où la jeune Joan Jett traînant sa dégaine de garçon manqué se pointe dans un magasin de fringues, balance sur le comptoirs un sac en plastique empli de piécettes patiemment récoltées en désignant le cuir du mec de la vendeuse en disant : 'C'est une veste comme ça que je veux'...Cette fille résume à elle-seule la philosophie des Runaways : le rock une affaire d'hommes ? Et depuis quand ? Que faire en effet quand on s'emmerde dans la vie, qu'on ne veut pas finir comme serveuse à trois dollars de l'heure dans un drive in et que l'électricité bouillonne dans vos veines ? Fonder un groupe. Sauf qu'à l'époque l'équation était loin d'être nette pour une fille. Les nanas dans la musique ? Des girls bands tels que les Supremes, les Shangri-Las et et autres ; tout au plus pouvait-on être chanteuse, choriste, musicienne dans un ensemble mixte. Cogner une batterie, empoigner une guitare, gueuler du rock dans un micro, c'était une autre affaire. Les Runaways ont dû batailler ferme pour s'imposer, encaisser les jets de canettes et les allusions salaces des beaufs machos du public. Sous la houlette de Kim Fowley, allumé notoire, producteur, découvreur de talent doté d'un nez redoutable et du sens du business (qui a dit de l'arnaque?), le quintet composé, outre Joan, de la guitariste Lita Ford (qui poursuivra la carrière que l'on sait dans le hard rock), de la batteuse Sandy West, de la bassiste Jacky Fox et de la chanteuse Cherrie Currie, va enregistrer ce premier album, concentré de rock pur, entre proto-punk et miettes de glam, qui démontrera aux plus sceptiques que les gonzesses aussi en ont dans le pantalon. De l'électricité, une voix légèrement rauque à la sensualité vulgaire des caravanes minables de banlieue, des horizons d'autoroute où whiskey et aventure s'unissent pour créer un rêve américain parallèle et une collection de morceaux qui ouvriront la voie pour les L7, Hole, 7 Year Bitch, près de quinze ans plus tard. On y découvre le hit du groupe, l'incontournable 'Cherry bomb', véritable résumé des attentes et des possibilités du groupe, 'Blackmail', 'Secrets' ou encore le splendide 'Dead end justice', le titre le plus ambitieux avec ses montées d'adrénaline, ses passages chuchotés, ses poussées électriques. Musicalement moins crades que les Stooges, les filles n'inventent rien, elles féminisent l'électricité et crient la révolte, le sexe et le rock'n'roll d'un autre point de vue, une affaire loin d'être gagnée en 1976...