Sensitive Chaos › Emerging Transparency

Emerging Transparency est une trouvaille dans l’univers musical de Jim Combs et Sensitive Chaos. À cheval entre les séquences mélodieuses de la Berlin School, notamment Tangerine Dream, les rythmes expérimentaux du free jazz et les tempos hachurés d’une musique navigant aux frontières du Funk et du Break dance, Emerging Transparency est à Jim Combs ce que Zoolook est à Jean Michel Jarre. Un très bel album aux rythmes entraînants et aux mélodies accrochantes, dans un univers musical où l’audace côtoie l’ingéniosité et les solos de guitares, synthés et saxophones sont arrimés à des clés, percussions et une basse aussi mordantes que qu’affamées. Bref, un album qui nous emplit les oreilles et qui nous tient sur le qui-vive.
Cette superbe aventure musicale débute avec une ligne de synthé qui ondoie et s’entortille autour d’un sombre vent cosmique dont les souffles agitent de lentes oscillations. Après 3 minutes d’une introduction planante, "Emerging Transparency" sort des limbes cosmiques avec une belle ligne séquentielle, qui ressemble étrangement aux structures de Tangerine Dream sur Mojave Plan, avec des accords zigzagants d’un mouvement sinueux. De résonnantes notes de basse mordent ce segment, alors que des tintements d’accords carillonnés en atténuent la lourdeur et que les percussions tombant avec force en augmentent la pression. Sur un rythme franc, "Emerging Transparency" progresse et tombe sous le charme de beaux solos de synthé et des chœurs errants, plongeant la musique de Sensitive Chaos vers un rare mouvement purement électronique avec des instruments plus conventionnels. "Erase Yourself" offre aussi une structure électronique me rappelant celle de Synergy sur Games avec un rythme sautillant, comme la démarche d’une gang de rue. Sur des séquences/pulsations spasmodiques, des nappes de synthé et des arpèges aux tonalités hybrides s’entrechoquent dans une limpidité mélodieuse, "Erase Yourself" évolue avec divers accords et tintements qui décorent une cadence assez accentuée. Tout simplement superbe, "Fifty Light Years from Home" débute tranquillement avec des carillons qui tintent en ouverture. Ils sont encerclés de sombres vents synthétisés qui hurlent parmi ces résonances miroitantes. Un saxophone émerge de ce bouillon de souffles, appuyé de violons chimériques qui donnent de secs coups d’archets alors que, toujours suave, le saxophone égorge ses lamentations contemplatives. Les arpèges carillonnés réapparaissent. Ils flottent et résonnent en suspension, tandis que d’hypnotiques percussions transcendent cet univers ambiant vers un plus technoïde. Des coups de xylophone virtuel s’entrechoquent avec puissance et suivent une progression ascendante sous un ciel strié de sinueuses et lourdes couches de synthé hurlantes et bigarrées, rappelant encore l’univers musical du Dream. "Bazaar Behavior" nous transporte dans un univers plus free jazz qu’électronique avec des percussions du genre tribal. Des percussions qui s’allient les accords d’une basse élastique et ondulante, pour tisser une envoûtante structure minimaliste qui pulse dans une étonnante faune sonore hétéroclite.Le rythme sautillant aux mains des percussions tablas et décoré de mélodies imprévisibles, "Bazaar Behavior" progresse en collectionnant tous les bijoux musicaux sur sa route, incluant des solos de xylophones et de superbes solos de guitare ainsi que d’une puissante guitare synthétisée, sans oublier le saxophone qui enchante de ses chants perçants, sous d’éparses nappes de synthé planant ici et là.
"Luck of the Draw" éveille nos instincts de danseur désarticulé avec une approche plutôt Funky et bruyante. Les percussions pilonnent un rythme sec et hachuré, le clavier crache des accords qui sautent nerveusement et le synthé articule un langage saccadé aux multiples tonalités technoïdes. De belles couches de synthé flottent au-dessus de cette rythmique hachurée, qui est le Rockit de Jim Combs, ajoutant une étrange profondeur qui est à l’antipode de ce tempo du genre Break Dance. Des couches flottant encore lorsque le rythme s’essouffle, un peu comme pour en effacer les traces mais peine perdue on est devenu accro à ce tempo aux mélanges hétéroclites. Frénétique avec ses accords de clavier qui sautillent et galopent, "Tanzen Filter" offre un bon rythme où accords aux tonalités multiples se mêlent agréablement bien aux percussions secs. La basse mord de ses lentes et lourdes notes cette structure rythmique où les clés virevoltent, papillonnent et dessinent des cercles musicaux stroboscopiques. D’ailleurs, en mi-parcours il y a une savoureuse danse de clés qui sautillent d’une façon désarticulée sous le joug d’une ronflante ligne de basse. Un très beau titre qui mélange encore les approches Funky et Break dance, "Tanzen Filter" tourne en boucles, avec quelques passages plus dénudés ici et là, arrosée de quelques beaux solos de guitare. Plus court et pour la radio, "Emerging Transparency (Radio Edit)" va droit au mouvement séquentiel ondulant et circulaire à la TD. C’est un très bon montage, tout comme la version radio de "Fifty Light Years from Home" qui est essentiellement concentrée sur l’approche rythmique.
Emerging Transparency est un album aussi puissant qu’étonnant. Un album qui, titre après titre, nous étonne et subjugue, tant par les rythmes, les mélodies et les trouvailles qui abondent tout au long de ce brillant opus où l’audace n’est pas un obstacle à la musicalité. J’ai adoré cet album qui étale une étonnante musicalité avec une riche faune sonore où séquences, percussions et basse moulent des rythmes diversifiés. Des rythmes où le Berlin School et la MÉ expérimentale sont enveloppés de superbes solos de synthé, guitares et saxophone, tissant un univers musical aux paradoxes aussi délicats que décapants.