Ghost (sue) › Opus eponymous

L'ancien a la cote ces temps-ci ; ce n'est un scoop pour personne qu'on assiste au retour d'un bon vieux satanisme des granges très en vogue dans les Seventies, notamment chez Coven, Black Sabbath, Black Widow et consorts qui influence de nos jours toute la guilde des Blood Ceremony, Witchcraft, Devil's Blood, Cauchemar et autres. Ce n'est un scoop pour personne sur Guts que je suis friand de ce genre d'atmosphère, aussi lorsqu'en fouillant sur la toile, je suis tombé sur le nom de 'Ghost', je me suis promptement rué sur leur première galette... Sauf que j'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois et me faire limite violence pour apprécier ce disque. Ça paraît absurde je sais mais peut-être ma chronique rendra mes propos plus clairs. Il faut dire que ces Suédois ont une démarche bien particulière impliquant un visuel que d'aucun trouveront kitsch à mourir et d'autres (tels que moi) assez frais et marrant ; les membres (cultivant soigneusement leur anonymat) se présentent en effet vêtus d'habits cléricaux avec maquillage macabre 'zombiesque' et prennent un malin plaisir à parodier des ambiances de messe comme en témoigne l'introduction pour orgue et nom latin du plus bel effet. Jusque là, rien de bien déstabilisant, ni même dans les premières mesures très efficaces de 'Con clavi con Dio': rythmique martelante façon heavy des familles, riffs de la même école... Mais le chant... J'avoue que je ne m'attendais pas à une voix aussi claire et frêle sur un opus tout entier voué au satanisme (qu'il soit de pacotille ou non) et cela m'a tout d'abord complètement rebuté. En réécoutant tout ça de plus près, j'ai réalisé que tout ça participait d'une démarche. Black Sabbath ayant influencé des milliers de formations contemporaines, il était devenu aisé d'en percevoir les touches chez les groupes en question. Ghost aussi en a écouté mais là où nos lascars brouillent les pistes, c'est qu'ils puisent aussi beaucoup chez Blue Öyster Cult, ce qui complique un brin la donne. Et de ce chant clair, presque faiblard, le groupe fait une force, notamment de par sa capacité mélodique à la séduction quasi pop ('Elizabeth', 'Stand by him') mais également dans des passages à l'unisson débouchant sur des harmonies franchement prenantes. Précisons que s'il fait mouche, c'est également grâce à la qualité de la musique qui parvient à restituer une ambiance d'époque avec toute l'efficacité qu'on pourrait y chercher, évitant la production trop lisse ou artificiellement grésillante. Le son conjugue une patte organique mais propre, loin de l'appel aux drogues du psychédélisme et plus propice aux fumées de chanvre. Les structures sont également suffisamment variées en alternant les riffs appuyés, les ponts plus mélancoliques, quelques envolées héroïques, entre vieux doom, heavy metal 80's et touche gothique (le final instrumental dégage même quelque chose de progressif dans ses sons de clavier). Voilà un mélange maîtrisé qui ne plaira pas à tout le monde mais qui porte en ses bizarreries les germes de sa séduction, ce d'autant plus que l'album est relativement court et s'écoute d'une traite, sans temps mort. Reste à savoir si un tel style peut franchir le cap d'un second album... On verra bien, Satan n'est peut-être pas un ingrat.

Lors de mon premier séjour en Suède au printemps 2011, l'ami qui m'hébergeait m'avait parlé d'un nouveau groupe de vieux rock occulte mystérieux qui cultive son anonymat (même si tout le monde savait déjà à l'époque que le chanteur et leader était déjà Tobias Forge de Repugnant !). Et il m'a sorti le nom : Ghost. Sans avoir écouté, le nom m'était resté en tête. Et puis voilà que quelques mois après être rentré en France, notre bon vieux Shelleyan (Twilight à l'époque !) a la magnifique idée de chroniquer le premier album de Ghost, celui-là même ! En même temps, que n'a-t-il pas chroniqué d'obscur et expérimental ? 4.999 autres chroniques plus loin, c'est donc ce premier album de Ghost que j'ai choisi de vous parler pour rendre hommage à notre chroniqueur helvète présent sans discontinuer sur nos pages depuis près de 22 ans (!) et sans qui je n'aurais certainement pas sauté le pas en me procurant ce disque quelques mois plus tard. Alors voilà, ce premier album de Ghost, "Opus eponymous" ! Bien avant de remplir des salles de plusieurs dizaines de milliers de personnes, Tobias Forge, aidé de ses "Nameless ghouls", proposait à ses débuts du bon vieux rock occulte 60's à la gloire du Malin comme pouvait le faire Coven ou Black Widow 40 ans pus tôt. Et il n'y a pas à dire, mais le résultat est là, c'est génial, frais et inspiré. On nage vraiment dans une atmosphère vintage digne de vieux films d'épouvante comme les Dracula avec Peter Cushing. Ghost réussit à remettre au goût du jour ce vieux rock avec la manière. La recette ? Reprendre un style à l'ancienne avec un son de l'époque et une production moderne mais qui sait garder le cachet des années 60, en y ajoutant un chant clair posé et éthéré (on est bien loin de Repugnant !) et jouer sur le contraste avec des paroles sur le satanisme de pacotille. En plus de cela, l'anonymat de ses musiciens aide à garder un mystère derrière ce groupe. Et pour ne rien gâcher, musicalement, l'inspiration est présente du début à la fin, jouant sur les ambiances avec d'excellents riffs de guitares prenants et une base rythmique bien lourde et metal à la Black Sabbath. Et franchement, il n'y a pas un seul mauvais titre, pas un seul ! Notamment "Elizabeth" (en l'honneur de d'Elizabeth Bathory bien évidemment) qui est irrésistible avec ces chants haut perchés doux et ce p'tit côté Mercyful Fate gentillet qui fait mouche. On a l'impression d'assister à une messe noire issue d'un vieux films d'horreur érotique avec la jeune fille vierge prête à être sacrifiée au milieu d'autres demoiselles légèrement vêtues en transe. Certains pourraient penser qu'on nage en plein kitsch, mais les morceaux sont tellement inspirés et rythmés qu'au contraire, le résultat en devient particulièrement authentique. Il y a vraiment un côté psychédélique super bien exploité avec des claviers appropriés et une alchimie parfaite qui apportent un petit voile vintage qui donne tout son cachet au style des débuts de Ghost. J'ai presque envie de dire qu'il s'agit du meilleur disque des années 60 à ne pas être sorti dans cette décennie. On y retrouve la même naïveté et la même douceur dans les mélodies, un chant jamais agressif et toujours juste. Seule la rythmique énergique et puissante nous permet de penser qu'il s'agit d'un enregistrement plus récent. Le disque est admirable, du début à la fin (et quel final avec l'instrumental "Genesis" totalement psychédélique et progressif). Ghost vient de sortir son meilleur album, le plus authentique et personnel. La suite les verra élargir leur spectre musical avec le résultat que l'on connaît, en y intégrant une bonne dose de pop pour un résultat d'une efficacité redoutable mais peut-être moins chaleureuse. Cependant, n'oublions pas qu'à leurs débuts, ils proposaient une musique à l'ancienne, moins grandiose mais tellement attachante et inspirée. Merci Shelleyan encore de nous faire découvrir quasiment quotidiennement de nouveaux groupes qui nous permettent à tous d'élargir notre spectre musical ! Ghost fait définitivement partie de ces belles découvertes ! Rdv en 2045 pour la 10.000ème !