The Redundant Rocker › Heart

Ouf! Affûtez vos oreilles car ça risque de passer serré! Bernhard Wöstheinrich est un personnage haut en couleur qui migre entre les différentes sphères de la MÉ; IDM, ambiant et expérimentale avec un doigté assez audacieux. Son projet, The Redundant Rocker, consiste à créer une MÉ avec une approche plus rock, progressive et industrielle qu’ambiante où une palette de styles permute dans des rythmes et atmosphères à la fois lourdes et éclectiques. Heart est moulé dans ce concept avec de lourdes et fluides structures rythmiques où les percussions et la basse forment une intense structure rythmique, tandis que les synthés sifflent de belles bribes harmonieuses. Fumante, la guitare de Markus Reuter mâchonne les rythmes et mélodies de superbes solos lorsque ce ne sont pas avec de lourds riffs à la Robert Fripp.
"Gold" ouvre le bal avec un rock électronique bipolaire où accords pincés et tranchants coulent sur un tempo fluide, quelque peu saccadé, pour danser sur des riffs de guitares et un synthé aigu aux chants sifflotant alors qu’une voix de cantatore qui semble perdu tente de suivre la parade. Il n’y a pas 30 secondes au chronomètre que déjà une symphonie un peu anarchique de sons s’empare de nos oreilles. Et les percussions tombent. Elles sont lourdes et harponnent ce tempo limpide. "Gold" devient alors un lourd rock postmoderne qui flirte entre l’approche mélodique et cacophonique sur un rythme devenu sec, acéré et fort déjanté. Un tempo martelé de lourdes percussions, mordu par une basse aux accords incisifs et trituré d’une guitare aux solos langoureux qui convergent vers un cantatore aux psaumes délirants dans un rythme au tintamarre fragmenté par de douces bribes mélodieuses. "Hypostasis" est un peu plus doux et présente une approche jazzy-lounge avec un doux clavier qui échappe ses notes sur une belle structure moulée par des percussions échoïques et une ligne de basse un peu ronflante. Le rythme sied à une ligne oscillante où les synthés libèrent de belles couches rêveuses et soyeuses qui permutent en chants un peu plus solennels alors que des percussions de styles enclumes pilonnent de brèves refrains. Plus discrète la guitare échappera quelques bons solos aux boucles bien garnies sur une structure qui saura garder sa touche harmonieuse tout au long de ses 6 minutes. Avec son approche mélodieuse noyée dans une avalanche de percussions "Compress" offre une excellente facette de la dualité rythmique qui prime dans Heart. Les accords de claviers dessinent des arcs circulaires et virevoltent en spirale dans une limpidité harmonieuse alors que "Compress" est vite happé par de vives percussions. La basse est lourde, les percussions tapageuses et le rythme puissant mais on souffle un peu avec les intercales de synthé sifflotant et les accords de clavier qui tournent en spirale. Et le rythme lourd et déboulant reprend sa chevauchée sous un délicat serpentin cristallin qui ourle de ses accords limpides, accompagné d’un synthé aux couches résonnantes, multipliant les dualités harmoniques. "Renée As Yoko" est ce qu’on pourrait appeler une belle ballade qui égrène sa mélancolie dans une ambiance lourde. Une douce intro carillonnée nourrie d’accords limpides nous dirige vers la rêverie lorsqu’une batterie échappe lourdement ses bâtons sur une peau résonnante. Fluide et suave, "Renée As Yoko" tournoie avec la légèreté de sa lourdeur sous de belles couches mellotronnées et un synthé aux souffles tendrement hybride. Un très beau titre qui oscille entre la tendresse et sa noirceur, tout comme "Alluvium".
Lourd et stationnaire, "Omnipotence" débute avec des nappes d’un synthé violoné alors que les percussions tombent et moulent un tempo sec mais pesant et que la basse étire ses lourdes notes. Nous entrons dans une sphère plus orchestrale de Heart avec beaucoup de nappes violonées hachurées qui assurent une orchestration des plus imprévisibles. Un synthé embrasse ce rythme alanguit qui évolue à l’intérieur des paramètres du paranormal avec une approche très sombre, schizoïde et empreinte de mystère avec ses lamentations à peine perceptibles qui ululent en secret sous de résonnantes couches de guitares qui s’émiettent en fabuleux solos. Un beat ‘‘punchy’’, tantôt éthéré, "Omnipotence" évolue sur un tempo permutant subtilement dans une faune sonore hétéroclite nappée de belles strates de synthé un peu métallique et une lourde basse pulsatrice, mais surtout dans une ambiance très Crimsonienne. Plus rythmé et très agressif, "Odilon" offre aussi une structure très près des terroirs de Crimson, notamment à cause de la guitare démoniaque et des frappes de percussions à la Bruford et aussi des notes de basses qui harponnent un rythme entre le free jazz et le post progressif de par ses structures aussi imprévisibles que psychédéliques modernes. C’est lourd, incisif, saccadé et parfois très fluide et c’est aussi trituré par une guitare très agressive. Il ne faut pas se fier à l’intro plutôt mielleuse de "Heavily Dependent", car le titre bascule dans un univers des plus anarchiques où les structures rythmiques et harmonieuses d’"Omnipotence" et "Odilon" sont revues et corrigées avec une approche plus audacieuse, lourde et tout autant imprévisible où violons chimériques écorchent le rythme pulsatoire tout en le faisant valser entre la cacophonie et la mélodie. Disons que c’est le genre de titres pour oreilles bien évoluées. Sélectionnée pour une publicité Autrichienne, "Alluvium" est la 2ième ballade dans Heart et une très belle à part cela. Une ballade électronique qui évolue par contre sur un rythme lourd et qui débute avec des délicats arpèges scintillants qui font la ribambelle sur un tempo alourdit et ralentit par de bonnes frappes de batterie. À la fois taciturne, sensuel et lourd "Alluvium" progresse avec de superbes notes carillonnées qui croisent de tendres et denses nappes d’un synthé docile qui échappe ses solos et ses boucles ululantes dans un tintamarre dompté par ses tendres arpèges qui vont et viennent, nous rappelant toute la douceur qui est à l’origine de ce superbe titre. Très beau! "A Change Of Heart conclût Heart" avec un titre aux orchestrations très élaborées sur des rythmes plus légers. Une structure rythmique qui est un peu moins complexe même si en constante évolution où tout repose sur l’étrangéité des sons et une approche philarmonique très progressive. Bien qu’évolutif, le rythme reste vivant sur des frappes de batteries plus fluides et dégagées et les harmonies sont rendues par un synthé aux solos légers. Un synthé qui mélange à merveille l’approche symphonique à celle d’un rock progressif un peu plus mièvre.
Je dois admettre que c’est avec une nette appréhension que j’ai abordé la musique de The Redundant Rocker. Je m’imaginais un monde musical abstrait où la faune sonore et les bruits hétérogènes empliraient les minutes, mais ce fut tout le contraire. Heart est un album puissant où les effets sonores accompagnent une MÉ qui sort de son lit pour flirter avec une approche plus rock, indie et progressive sur d’étonnantes structures rythmiques aux tournures imprévisibles. Des structures toujours mélodieuses, même dans les moments les plus anarchiques et intenses, où chacun des 9 titres de Heart possèdent une empreinte musicale d’un titre antérieur, poussant encore plus loin la réflexion musicale déjà très versatile du tandem Wöstheinrich/Reuter. Vous pouvez télécharger l’album gratuitement au site de iapetus Records; http://iapetus-store.com