Le beat était sec, il sera tranchant; les guitares étaient aériennes, elles se sont salies; l'atmosphère se faisait lascive, elle est devenue sous-terraine. 'Another vision' second essai des Modules Étranges est une plongée dans les ténèbres, du genre urbaines et moites. Délaissant les quelques références aux Cure et aux Cocteau Twins encore présentes sur l'album précédent, le groupe a accentué le côté le plus extrême de sa musique pour s'en aller flirter avec le deathrock de Mephisto Walz ('Breakdown') ou Voodoo Church ('Disease') sans lui rendre complètement les armes non plus puisque je ne puis m'empêcher de songer au premier album des Cranes, pour le chant de Azia mais également ce sentiment de claustrophobie toxique et désillusionnée dégagé par les boucles des effets de la guitares qui s'étirent, se heurtent à des parois invisibles pour se blesser elles-mêmes en retour. Si certains morceaux sont rapides, le trio a néanmoins privilégié la langueur, une langueur syncopée et malade exprimée dans la sécheresse de la boîte; c'est un peu de l'intensité de Cindytalk que l'on flaire parfois ('No mercy), lorsque la voix quitte sa rigueur de métronome pour s'égarer dans quelques éclats, en moins violent cependant. On me fera remarquer que j'use de nombreuses comparaisons ce qui n'est pas flatteur pour le groupe ou du moins pourrait laisser penser qu'il manque de personnalité. Effectivement, le style n'est pas neuf, il est pourtant assez peu courant parmi les formations de l'Hexagone et si les influences sont évidentes, le grand écart entre le deathrock américain et une certaine froideur gothique européenne ('Bent') est suffisamment dosé et maîtrisé pour être signalé. En dehors de 'Clear' très correct mais qui me saoule un peu par l'aspect répétitif des paroles, j'avoue ne trouver que peu de faiblesses à ce disque qui se montre suffisamment varié dans sa constance pour garder intacte l'intensité, sans longueur superflue ni un quelconque baillement d'ennui au final. Et de deux !