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Recording Studio, Los Angeles, USA, 1969
Captain Beefheart (chant, saxophones soprano et alto, clarinette), John French ("drumbo") (batterie), The Mascara Snake (clarinette, voix), Rockette Morton (basse, voix), Antennae Jimmy Semens (slide guitar), Zoot Horn Rollo (guitare, flûte)
Le propre des chefs-d'oeuvre, c'est de ne jamais laisser indifférent. On déteste ou on adore. "Trout Mask Replica" est de cette trempe. Frank Zappa, ayant eu vent des problèmes contractuels que rencontrait alors Beefheart, propose à celui-ci d'enregistrer pour son tout nouveau label, lui assurant la liberté artistique qui lui faisait tant défaut. Une proposition qui n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Produites par Zappa, ces sessions vont s'échelonner sur neuf heures pour 28 titres comme autant de fragments d'éternité. Brut, sauvage, sans fioriture, sans ceinture de sécurité non plus, Beefheart, avec cet énigmatique "Trout Mask Replica", double album imposant, explose les structures du blues, avec ces arrangements volontairement cacophoniques, et l'emmène loin, loin, quelque part entre free jazz (Beefheart et The Maskara Snake se partageant les interventions aux instruments à vents) et œuvre poétique récitée par un schizophrène sous camisole de force (les nombreux interludes erructés a capella). Tout simplement intemporel parce que incomparable, cet album n'a pas pris une ride et reste un grand moment de l'histoire de la musique pop occidentale. Facilement, un des dix meilleurs disques de tous les temps.
note Publiée le jeudi 9 mai 2002
Dites-moi, qu'est-ce qui peut bien pousser quelqu'un à s'offrir cet album à la pochette rougeâtre, cadrant un type affublé d'un drôle de masque qui aurait l'air de vous chuchoter un secret se transmettant de bouche de truite à oreille de truite ? Quelle peut-être la réaction de cette personne à l'écoute du joyau que renferme cet écrin peu conventionnel ? Que se passe-t-il alors dans sa tête une fois le disque lancé ? Autant de questions qui divisent en deux parties le monde de ceux qui ont déjà écouté cet album. Vous ne pouvez pas y être indifférent. Don Van Vliet, aka Captain Beefheart, est un de ses artistes dits arty des années 70 à avoir bouleversé la vision de la musique. Cette façon de voir et de façonner la musique, le jeune Van Vliet ne l'a pas créée de toute pièces : en réalité, il découvre dès son plus jeune âge les bases de ce qui deviendra plus tard ce blues psyché expérimental, en faisant tourner des vinyles de blues et r'n'b de l'époque dont il partage l'écoute avec son grand compagnon, un certain Frank Zappa. En témoignent ses premiers travaux avec son Magic band, le Safe As Milk de 1967, où l'on sent déjà que les sonorités blues sont plus que teintées de pyschédélisme. Strictly Personnal, étape de transition, met en évidence que le groupe cherche à chatouiller les limites du blues pour mieux les transgresser. Il faudra attendre l'année qui suit pour que Captain Beefheart en arrive à son apogée. Alors qu'en 1969, le monde découvre le puissant hard blues de Led Zeppelin, la réplique du masque de truite soulève bien des questions, car jamais avant, on n'avait entendu une telle fusion improbable : blues déjanté, absence de tempo prédéfini, rythmique indomptable, cacophonie à la rage créatrice surplombée par la voix unique de Beefheart, éructant avec la folie d'un schizophrène des textes dadaïstes - complètement barré. Les 28 pistes de l'album sont d'une force brute, navigant entre blues expérimental et free jazz - les improvisations de Van Vliet à la clarinette donnant encore plus de profondeur et de puissance d'impact à cette musique imprévisible. Ce changement soudain n'est pourtant pas du à un simple éclair de génie : il faut remercier Zappa, qui tapis dans l'ombre, a capturé ces neuf heures de pure création dans ses studios personnels. Sans cela, peut-être n'aurions-nous jamais connu tel embrasement exultatoire, qui précède le non-moins génial Lick My Decals Off Baby, sorte de condensé de Trout Mask Replica. Un condensé, oui ! Car il est vrai qu'avec près d'une heure et demie (!) de programme, beaucoup ont souvent tendance à vouloir zapper quelques pistes. Bien leur en prend ? Que nenni ! Chaque morceau est une perle. Si malgré vos efforts, cela reste inécoutable, ou trop long, mieux vaut faire une pause et retenter le coup plus tard. En espèrant qu'après, à tous ceux qui vous disent que ce truc est kitchissime et que ça ne va nulle part, vous leur répondez : "Ah! stupide, Trout Mask Replica, c'est juste un des meilleurs albums de tous les temps." PS : La camisole de force n'est pas fournie.
note Publiée le mercredi 17 mai 2017
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Je confirme! C’était celui-là!
Il s'agit peut-être du petit livre de Benoît Delaune, paru chez Le mot et le reste ? Qui reprend beaucoup de la bio de John French. Pas dément, mais une saine lecture.
Pour ma part j’avais retranscris les deux lignes de guitares d’un titre au piano. C’est vraiment super intéressant à écouter sur un autre instrument.
Pas contre désolé, Sergent, je me rappelle pas de l’auteur de la bio que j’avais lu, désolé!
@sergent_BUCK: Hmm, de mémoire il y avait Ella Guru, Pachuco Cadaver, Sugar 'n Spikes et Ant Man Bee. Ce ne sont pas les partoches les plus compliquées... J'avais commencé à faire une transcription pour un examen, mais j'ai abandonné l'idée pour privilégier les gros muscles de Led Zep (We're Gonna Groove).
Oui, la bio de Beefheart écrite par John French lui même (peut être celle dont parle Cinabre) est très fournie là dessus (forcément !)... J'imagine que la paire Vliet/French fonctionnait de manière complémentaire, ou l'un sortait une masse d'idées brutes que l'autre s'efforçait d'arranger et de faire tenir dans des partitions. Ce qui est sur c'est que si French n'avait pas été là, pas de Trout Mask (tout comme on entends que c'est Zoot Horn Rollo qui a repris ce rôle d'arrangeur sur "Lick my Decals Off").
En fait je suis persuadé que le Captain du haut de son charisme était très fort pour sortir 100 idées musicales à la minute, mais faute de formation musicale il ne savait pas comment les faire jouer concrètement, et avait besoin d'un "vecteur" pour retranscrire ça à un groupe. Peut être mois sur la fin de sa carrière, parce que la formule commençait à être assimilée par ses musiciens, mais au moins jusqu'à "Bat Chain Shiny Beast", il a fonctionné comme ça.
@ Duke, j'ai jamais osé m'attaquer à la moindre partie de French... du coup je suis curieux, tu te souviens de quels parties de batterie tu avais essayé ?