Francisco López › Amarok

Je me dois de le dire : en concert, Francisco López m'a autant bluffé par son discours que par sa performance. Aucune prétention intellectuelle n'est venu alourdir son discours qui ne parlait simplement que du jeu de l'écoute, tout comme l'aurait fait Luc Ferrari en son temps. Plongés dans le noir avec bandeau sur les yeux, il nous a promenés (valdingués ?) dans un univers électro-acoustique phénoménal et riche en images dont les sources, uniquement enregistrées, promenaient avec elles leurs propres référentiels : bruits de machines ou de nature, souvent intactes, parfois étouffées à la limite de l'épure. J'ai donc voulu redonner leur chance aux enregistrements CD, cette fois en prenant compte la règle du jeu : cela s'écoute entièrement, fort et dans le noir, ou cela ne vaut pas la peine de s'écouter. Pour Amarok (le loup mythologique qui dévore les chasseurs imprudents autour de l'Arctique), López utilise son savoir-faire en terme d'environnement sonore pour nous envoyer illico presto dans des plaines glaciales balayées par un vent terrible. L'ambiance est sourde et la tension palpable, jusqu'à un acmé autour du premier quart d'heure qui redescendra aussi froidement qu'il est venu. Il n'y aura guère de vie ou d'empathie dans la suite de cette heure et quelques de glace et de neige ; c'est à la fois travaillé (deux ans de fabrication), puissant, isolationniste et viscéral dans sa rigueur jusqu'au-boutiste, loin du cinéma de l'horreur porté par Lustmord. Cependant, et c'est bien le hic, non seulement cela requiert une condition bien spécifique d'écoute mais aussi un système sonore de très haute fidélité, sans quoi il devient difficile de discerner la richesse interne du son avec le vrombissement d'un radiateur défectueux, ce qui est dommageable au vu de la profondeur des sons. Cela a beau être un jeu, c'en est pas moins très exigeant, en tout cas beaucoup plus que la grande simplicité de ses anciens travaux naturalistes tels que La Selva (1998) dans un registre bien plus vivant.