Avant de céder définitivement à sa passion pour David Bowie et la première vague goth britannique en créant Spy Glass Blue, Allan Aguirre l'enfant terrible du rock chrétien s'était fait les dents sous le nom de Rämald Domkus au sein d'un projet orienté punk du nom de Scaterd Few. Onze morceaux sont enregistrés mais le groupe peine à dénicher un label et s'offre un break permettant à Allan de fonder Spy Glass Blue. Quatre ans plus tard, soit en 1989, ce dernier retente l'aventure accompagné de son frère Omar Domkus à la basse et deux autres complices et cette fois, l'essai est fructueux puisque l'album 'Sin disease' est plutôt bien reçu par la critique permettant aux Scaterd Few de s'afficher dans les hauts lieux du rock chrétien sans pourtant s'y limiter puisque ils tournent notamment avec les Bad Brains. D'ailleurs le contenu des paroles et le fait qu'Allan admettra dans une interview fumer de la marijuana leur vaudront d'être bannis de pas mal de médias chrétiens. Le second album, 'Jawboneofanass' ne sortira qu'en 1994 car il sera enregistré trois fois avant d'être publié dans sa forme définitive. Ces deux premiers opus pas toujours évidents à dénicher sont ici fort à propos groupés sur un seul cd et permettent de goûter pleinement aux sonorités du combo. Si j'ai usé de l'étiquette 'punk', elle n'est en réalité pas totalement adaptée car trop réductrice pour un touche-à-tout comme Allan Aguirre. C'est à Jane's Addiction et aux Bad Brains que l'on songe immédiatement, avec des trucs en plus, notre homme peinant décidément à ne pas laisser poindre des relents de son amour pour David Bowie. 'Sin disease', le plus brute des deux disques, voit ainsi se succéder des pièces tendues, hachées, ainsi que des essais plus violents ('U') qui raviront les fans des Bad Brains auxquels il emprunte même une incursion dub/reggae mélancolique ('A freedom cry'). Si l'influence hardcore est bien présente, notamment dans le jeu de guitare et les passages les plus rapides, la basse slapée emprunte volontiers au funk fusion de Fishbone ou des Red Hot Chilli Peppers ('Once upon...', 'Holding stare'...). Cet élément est davantage marqué sur 'Jawboneofanass', plus varié, complexe, dans ses arrangements. La musique claque, s'offre des breaks succédant à des attaques plus soutenues, sans négliger une certaine noirceur gothique héritée du goût de Allan Aguirre pour Bauhaus ou les Banshees. Si le feeling est bon, l'atout majeur du groupe reste le chant, efficace aussi bien dans ses envolées les plus folles que des passages plus graves où la comparaison avec le timbre de David Bowie est inévitable ('Dame', 'Look into my side'). Artiste sincère, Allan n'a jamais fait la moindre concession, se riant des étiquettes et des chapelles trop fermées; si ses influences sont souvent aisées à deviner, il les travaille toujours à sa manière y apportant le plus qui fait sa patte. Deux disques franchement excitants avec pour seul faiblesse le titre 'Oom pah pah' que je zappe à chaque écoute...Pas mal sur vingt-six chansons !