La nuit s'est levée, le bourg est silencieux, chacun s'est enfermé chez lui...Qui serait assez fou pour se risquer dans les bois à cette heure ? Chacun sait qu'il s'y passe des choses inquiétantes; on voit d'ailleurs parfois des lueurs briller au loin tandis que des battements de tambour étouffés parviennent jusqu'aux abords des premières maisons...Les impies y célèbrent des cultes dédiés aux anciennes divinités, celles-là même contre lesquelles le curé a mis les habitants en garde à maintes reprises...Une nappe d'orgue s'élève lentement, évoquant les belles heures de Black Widow à l'époque où eux aussi vénéraient les forces occultes, et pan, ça démarre ! Quelques riffs à la Black Sabbath version patchouli des ténèbres, un chant féminin qui se lance...Blood Ceremony représente tout ce que j'aime: le parfait croisement entre Coven, Black Widow, Black Sabbath avec une touche de Jethro Tull, soit une forme de vieux doom progressif avec orgue et un instrument que j'ai souvent négligé et qui pourtant fait des merveilles ici, la flûte. Omniprésente, elle ajoute aux compositions une touche sylvestre, un feeling occulte délicieusement suranné comme dans les films des 70's auxquels la musique de Blood Ceremony est un vibrant hommage. Se profilant dans une nostalgie rétro-doom hippie, le groupe se distingue pourtant de formations comme Electric Wizard par des guitares nettement moins lourdes ainsi qu'un goût prononcé pour le rock progressif l'amenant à flirter au plus près avec l'aspect médiévalo-psychédélique barré de l'époque. Bien entendu, on s'interrogera sur l'intérêt de la démarche...Pas longtemps car nos Canadiens s'y entendent à nous mijoter des ambiances mystiques à souhait, plus proches de la cérémonie païenne que de la messe noire, en y injectant la dose réglementaire de sonorités doom ('Children of the future', 'Hop toad', 'Master of confusion, gros clin d'oeil à Black Sabbath), vite enrobée dans les envolées de cette diabolique flûte, ce chant de sorcière évoquant Coven, et quelques touches de clavier un peu kitsch (à l'image de la pochette). Les mélodies sont imparables, les constructions soigneusement agencées et le rendu vraiment envoûtant...Tous à poil dans la clairière ! Il est temps de boire, danser, baiser et rendre hommage à Pan (plus qu'à Satan), avant de s'élancer dans le ciel en chevauchant des boucs et en balançant des sorts à ces cons de villageois qui n'ont décidément rien compris à la vie. Il faut aimer le style certes mais c'est mon cas et j'accroche totalement à ce disque pas révolutionnaire pour un clou mais efficace en diable.