Denner › Nouvelle Bretagne

Le monde est un écran...Un clic de souris, une heure sur la chaîne découverte et je connais le Pakistan, Chicago ou l'Ouganda comme si j'y avais vécu, j'ai plongé dans l'univers des gangs du Salvador, les favelas du Brésil, sans risquer ma peau tout en me tapant une bonne bière fraîche par la même occasion...Vraiment ? Et si pourtant, voyager, cela restait autre chose ? Des émotions, une curiosité à faire battre le coeur, un émerveillement démesuré ? Si les trottoirs de New-York avaient 'la taille de l'Hudson', si la traversée de l'Atlantique restait un voyage peuplé de monstres marins ? 'Nouvelle Bretagne' du trio Denner est un disque qui incite à cet enthousiasme, un peu à l'image de la peinture de Albert Bierstadt ornant la pochette et offrant une image sublimée des montagnes de la Sierra Nevada non telles qu'elle sont mais comme on aimerait qu'elles soient...Ecoutez donc 'Antimeridian', ces guitares qui enflent et s'agitent comme des vagues, cette atmosphère ample, cette voix comme perdue dans l'impétuosité de la tempête, le magnifique 'Nouvelle Bretagne' avec sa marche d'accords hypnotiques et cristallins...Image sonore de l'émoi face à cette terre nouvelle où les souvenirs d'une vie s'évaporent pour renaître dans une quête neuve. Oeuvrant entre cold wave, post punk et quelques influences shoegaze, les trois musiciens (un Français et deux Américains) tissent des climats à la fois épiques et intimes, à l'image de cette reprise magistrale du 'Speak low' de Kurt Weill. Le chant paraissant toujours lointain, les basses rondes, les guitares en vagues nocturnes confèrent à ce disque une dimension spatiale où il devient aisé pour l'auditeur de projeter ses propres rêves, de définir ses limites, de marcher droit devant lui le regard perdu à l'horizon ou égaré dans les rues des grandes villes. Seule pièce se coulant mal dans cette étrange mélancolie épique, 'You seem far away', plus creux, moins efficace quant à ses climats, me semble l'unique 'faiblesse' (encore que...) de cette galette. Histoire de chercher la petite bête, on pourrait également reprocher la touche française de l'accent du chanteur lorsqu'il use de l'anglais...Rien qui ne nuise à la qualité de ce premier essai franchement réussi qui ne donne qu'une envie: adopter la devise du blason du groupe, 'Lifting every stone on my path'.