Il y a eu The Bad Plus, il y a eu Sex Mob, il y a désormais The Thing. Enfin, désormais… Cela fait plusieurs années que le trio norvégio-suédois d’obédience "Brotzmanienne" (le père) creuse des sillons brûlants en dégoupillant des morceaux de rock façon free jazz, telles des grenades improvisées, destinées à exploser coûte que coûte. Là où les deux groupes précités envoient la sauce avec le sourire en coin de l’Uncle Ben’s, garantissant un succès toujours au rendez-vous dans le créneau du "jazz même pour ceux qui n’aiment pas le jazz", The Thing joue carte sur table : c’est du free, c’est à 90% de l’impro, et c’est rude, rock’n’roll, right in your face, comme pourrait le dire Steve Albini un soir de mauvaise bière. L’homme est censé ne pas aimer le jazz, eh bien voici probablement sa seule et unique production du genre ! Live en studio, comme il aime, forcément puisque c'est du free, qui plus est largement improvisé. On dit que The Thing est le plus rock des groupes de free jazz, et ma foi, c’est tout à fait véridique. Ils attaquent par une reprise de The Ex, de l’album Scrabbling at the lock, assez méconnaissable, suivie de Drop the gun des 54 Nude Honeys (groupe punk/hard de pétroleuses japonaises)! Le sax baryton de Gustafsson imite la guitare, tandis que la rythmique n’hésite pas à appuyer une frappe binaire qui n’a rien de jazz. On retourne ensuite vers des repères plus habituels avec Mystery Song de Duke Ellington et Angels d’Albert Ayler, bien évidemment torturés comme il se doit. La section rythmique est toujours aussi paniquée, bien entendu mise en valeur par Albini. C’est épuisant au bout de deux titres, il faut bien le dire, voire carrément inhumain sur la demie heure finale de Beef Brisket, mais les nuits de pleine-lune, ça a quand même son petit effet.