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The Ex › Mudbird Shivers

cd • 11 titres • 65:08 min

  • 1Thunderstruck Blues6:22
  • 2Only if You Want 35:00
  • 3Ret Ropper4:27
  • 4Embarassment4:10
  • 5House Carpenter4:07
  • 6Newsense2:50
  • 7Former Reporter3:58
  • 8Shore Thing5:51
  • 9Things Most People Think2:41
  • 10Audible Bacillus4:52
  • 11Hunt Hat5:13

informations

Enregistré et mixé en février/mars 1995 au Koeienverhuurbedrijf, Pumerland, Hollande. Produit par Dolf & Colin.

line up

Katrin Bornfeld (batterie), Luc Ex (basse), Terrie Ex (guitare), Andy Moor (guitare, alto), GW Sok (voix)

Musiciens additionnels : Han Buhrs (voix, sax, couvercles(?), alto (?), guimbarde (?), grattoirs(?))

chronique

Elle a beau jeu, la critique, à se dire objective. La partie facile, l’alibi journalistique. Le relevé des productions, la mise en colonnes, en chroniques… À réduire ainsi la création, la couper d’un quotidien vivant, la figer en transcendance. Tout un arsenal de sentences, de bon sens, de modérations, de médiations éprouvées pour la tenir dans les limites de l’art, de l’illustration ou de la catharsis (déjà, ce mot, rien que ça...). "On ne peut rien pondre de durable avec en tête un message, un idéal politique" et tout le Bataclan du Sublime Distancié. Et lorsqu’on en vient à ce qui émane du Populaire, de l’activisme, de factions, mouvements engagés réellement, ancrés dans une lutte concrète, débordant l'innocent manifeste… Cette suspecte bienveillance - très classe moyenne, à vrai dire, au sens le plus médiocre - qui souligne d’un ton bonhomme la ‘naïveté’ de ce qu’on lui donne à moudre, salue du bout des lèvres ‘l’efficience brute’ de constructions qu'elle décrète spontanées - sous-entendu 'c'est bien joli mais un peu trop premier degré, tout ça' - ; la ‘fraîcheur’ de métaphores qu'elle voudrait innocentes. Il leur coûterait d’admettre, aux plumitifs de routine, de carrière, que pour en être littérales, directes, frontales, certaines charges - c’est bien là le mot - n’en sont pas pour le moins complexes, curieuses, multiples, informées de sources et d’élans qui peuvent leur échapper. D’aspirations qui pourraient les saisir, si haut que puissent monter leurs forteresses de savoirs neutres, neutralisés, de jargons qui désamorcent et ravalent à ‘l'intéressant’ ce qui s'affirme contondant. Voici donc Mudbird Shivers. Album un peu à part dans la discographie déjà bien piégée, en brisures, foisonnante (...) d’un groupe qui ne se pose jamais vraiment ; fait passer dans ses rangs une avant-garde prévenue qu’ici, on y vient pour cogner ; et par ailleurs, les crieurs de pubs et de squats, affranchis en ces lieux du couplet des rengaines. Un disque un peu ailleurs, donc, dans leurs continuités : pour tout ce qui s’y meut de bien plus folk, parfois, d’un blues tout fracturé, tout déchiqueté, singulièrement accentué ; d’encore plus indéchiffrable qu’à l’habitude - entre les lignes et les déflagrations. Pour ces intonations pas très loin d’un certain Beefheart, en certaines parties de voix aux embardées sur le fil, jetées sans précaution - par un certain Han Buhrs - et qui se superposent, font joute ou complétion aux habituelles harangues et scansions de l'acharné G.W. Sok (Only if you want 3, nom d'un Ni-Dieu-Ni Maître !). Pour ces apparentes pauses, aussi, trompeuses autant qu’impromptues, entre les attaques ; où la colère, le cri, les percées semblent s’amortir un moment, se faire plus étouffés pour préparer l'averse de pavés prochaine (Ret Ropper). Pour ce House Carpenter complètement clouant, encore - appropriation d’une ballade traditionnelle aux origines difficilement traçables (il existe sous divers titres des versions de la chanson dans les iles britanniques, aux Amériques, en variantes locales innombrables) : une interprétation déroutante, à dire vrai, absolument poignante, fiévreuse et lucide, simple mais habitée ; délestée de ses implications religieuses les plus saillantes, aussi (c’est de bonne guerre ?) : puisqu’ici, Satan n’est pas nommé - comme c’est le cas dans la plupart des variantes - comme artisan du malheur et qu’à sa place, rien n’est mis que l’accident ; pas une parabole mais une histoire, un drame, une tragédie pragmatique : de celles qui galvanisent puisqu’après tout, avant le reste, tout compte rendu, le malheur n’est pas le motif, la vocation de la course. Qu’on veut pousser hors de son ombre, dut-on y perdre quelques certitudes apprises. Mais à la fois : un disque où tout se concentre - comme rarement - de la puissance du groupe, de son intransigeance incendiaire, de sa fulgurante célérité. De son allègre dureté. Toujours, dans les soudains torrents de caillasse, les fracas de taule froissée des guitares, cette allergie au lénifiant confort, ce refus en bloc de la benoîte satisfaction, d'un apaisement content de son engourdissement. Partout, dans ces roulements en rythmes cisaillés, ce groove à la peau rêche, aux martèlements tachycardiques, emportés par la fureur et le plaisir d'en découdre. Et encore, ces rimes insondables et sans fard où le signal d’assaut ne s’affaiblit guère, pour autant qu’il s’énonce en sibyllines périodes - à l’abstraction sourdement effrayante, à l’alarmante menace à peine identifiée (Shore Thing…). Et puis cet humour qu’on leur soupçonne rarement - qui se fait jour plus clairement lorsqu’ils jouent en public - au détour d’une parabole moqueuse, ironique, lucide sur ce qu’il en est vraiment, sur la place faite au monde pour ce qui devrait être, à leur sens, la toute-évidence dans la marche des choses (Embarrassment, avec son écriture, ses récurrences qui sont presque d’une comptine). Voilà donc : Onze brèches, onze coups, onze décharges lourdes ou bien respirations, à prendre ou à laisser. Rien qui décore, rien qui veuille faire œuvre, sans doute, au sens des musées ou des anthologies. Rien non-plus qui s’effrite, passée l’heure des couvres-feu… Et la Critique - résignée, en ses rubriques - de constater qu’au dehors, ce qui palpite et gronde et sape - ce qui construit et veut s’élever, déborder et s’affranchir - a plus, a mieux à faire que de déjouer ses chapitres, ses notes, atermoiements et mises à l’index. Parce qu'aucune affiche mise sous verre n'empêchera les projectiles.

note       Publiée le vendredi 22 octobre 2010

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Note moyenne        9 votes

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Klarinetthor Envoyez un message privé àKlarinetthor

Super album oui, meme si je prèfère un peu le début à la fin. Et Only if you want fait partie du tout meilleur evidemment. J'aurais tellement voulu voir Sok chanter déclamer pour THe Ex dans ma vie - non pas que je néglige son boulot avec Action Beat; ni avec Oiseaux tempetes ou Cannibales et vahinés; choses que je connais nettement moins déja.

Note donnée au disque :       
Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Ouep, Only if you want 3 est celle qui m'avait le plus frappé tout de suite aussi, et ça reste un des moments du disque que je me prends toujours en pleine poire (ce "solo" de guitare, nom de {euh... disons Gracchus Babeuf} !). House Carpenter m'avait chopé direct, aussi. (Et en passant, un mec qui nous hébergeait à Rennes quand on y était passé avec les potes du groupe Tombouctou nous avait fait écouter "l'original", ou plutôt la version supposée première enregistrée du morceau par Clarence Ashley... Ben c'était étonnamment proche dans l'approche rythmique - sur le banjo - voire dans le feeling, de celle qu'ils en donnent... Alors que - bien évidemment - les arrangements, les instruments et si je me souviens bien une partie des paroles diffèrent, de l'une à l'autre).

WZX Envoyez un message privé àWZX

Ah, génial ! Ils ont en plus des super références. Faut vraiment que je me choppe ça. Merci !

bubble Envoyez un message privé àbubble

Oui il y a les paroles dans le livret . Only if you want 3 est basé sur un texte court de Topor et une citation d'emma Goldman .

WZX Envoyez un message privé àWZX

Eh, il défourraille bien, ce disque ! Particulièrement saisi par Only if You Want 3, aux relents This Heat je trouve, mais ça se joue à peu tant l'ensemble est consistent. Magnifiques voix, aussi. Y a les paroles avec le disque ?
La dernière phrase de la chro me refait penser à une expo de musée vue y a quelques semaines (Soulèvements, de Didi-Hubermann), affligeante d'inanition, en mode subversion sous surveillance, avec tous ces gardiens comme autant de surveillants de prison pour déviants de l'histoire.