Vous n'avez jamais entendu parler de Jonee Jonee (sauf si vous lisez mes chroniques islandaises) et c'est normal...Visiblement, le succès, ces types s'en foutent, ils ne cherchent pas la facilité, ni même la difficulté. Voilà juste trois musiciens: une batterie, une basse, le chant, et de temps à autre une touche de saxophone pour parachever l'oeuvre. Si le trio a intégré l'idée du punk, c'est dans le but de créer une musique urgente, spontanée, pas trop réglementée par les schémas contraignants...Nulle volonté de fluidité, la batterie est très roulante, les arrêts sont fréquents avant de repartir sur une autre boucle ou de relancer la sauce, quant au chant, il évite lui-aussi de sonner trop mélodique optant pour une forme de scansion chantée proche de Purkkur Pillnikk avec quelques hurlements et cris pour corser la sauce. Ces changements compulsifs mais pas trop proches pour pouvoir juste s'immerger dans le morceau, se doublent également d'un bon sens du délire ('Jonee Jonee' semblant se terminer en fête d'anniversaire bien arrosée), ce qui brouille encore les pistes. En effet, avec une formule aussi réduite, Jonee Jonee parvient à varier les climats glissant de la cold wave ('Haust', 'Pyrnids') au punk en passant par des délires typiquement islandais ('Hauadi') ou juste du rock ('Alla Leid')...L'usage judicieux du saxophone cerne ou rend les contours des ambiances plus floues encore (malsain sur 'Prynids', festif éthylique sur 'Jonee Jonee'...). La production participe également au climat du disque par une touche spontanée, comme si l'album avait été enregistré en direct au local (ce qui a peut-être été le cas, du moins partiellement) tout en conservant une bonne qualité sonore. Déstabilisante au départ, cette approche parvient à séduire; pour bien s'y plonger, le mieux est encore de s'écouter le disque en entier plutôt que de tenter d'isoler un titre en particulier (ce n'est d'ailleurs pas évident avec un groupe qui évite soigneusement tout ce qui s'approche de trop près du format chanson). Il n'en reste pas moins que certains accrochent davantage, ainsi 'Haust' et 'Skolaveggur' (le plus mélodique du lot), mais là n'est pas la philosophie de nos trois lascars...qui s'éclatent visiblement comme des fous dans leur transe épileptique, à l'abri des étiquettes...Un univers finalement rythmé, maîtrisé et cohérent, même si peu aisé à saisir du premier coup.