Tobias Bernstrup › Re-Animate Me

La première écoute est à l'image de la pochette : consternante. On aimerait qu'il referme ses cuisses, qu'il retire de notre vue ces apparats décadents de sodomite décomplexé. Las ! Lorsque le disque se lance, c'est avec un rictus pervers qu'il se trémousse et vient se coller à nous – Do me wrong / Do me now / Do me strong / And don't be shy... Sur des airs italo-disco dépoussiérés et salacement racoleurs, le suédois se trémousse, tout de nylon habillé, tout en conservant le regard vide de quelqu'un qui aurait abandonné son corps aux démons de la superficialité et du sexe de caniveau. Le chant, mi-frétillant mi-ridicule, semble lui aussi abandonné à lui-même. C'est bien mal connaître Tobias Bernstrup... artiste performer de son état, il utilise l'imagerie androgyne et la musique synthétique comme une installation d'art ou un univers virtuel à la Tron ; et se transforme (tiens donc) en cet avatar de synthèse qui faisait rêver il y a de cela trente ans et qui terrifie bien des gens aujourd-hui ; cette dématérialisation sans vie ni mort vers un univers irréel où tout est permis. Bernstrup est la salope du vingt-et-unième siècle : une fois les disparités sexuelles laissées au placard, les nouvelles cibles sont ces personnages qui n'existent qu'en .jpg ('Jpeg-Boy') et il n'y a alors plus qu'un pas vers les nombreuses dérives des réseaux sociaux dont la première reste de reluquer les photos d'inconnues en toute impunité. Bernstrup fait un pas en avant et entre dans l'écran ('Videodrome', ca ne vous rappelle rien ?) et va jouer à l'entremetteur ; il vient se frotter le sexe sur vos fantasmes virtuels au travers de paroles ne laissant guère de place à l'interprétation personnelle : "You can play with my body parts / Do anything you want / Shoot me up with your laser beam / Until I scream in ecstasy"... La musique emprunte autant à l'italo-disco classique qu'à la Hi-NRG ('Polygon Lover'), voire l'eurotrance ('Nylon') ; et lorgne évidemment sur les râteliers revival de ces dernières années (Parralox, Glass Candy) mais toujours avec ce décalage glauque et pervers joyeusement porté en étendard. C'est un disque qui ne vous lâche plus une fois lancé ; qui tend ses lèvres lorsque l'on les voudraient chastes ; qui baisse sa braguette lorsque l'on la souhaiterait close. Irrésistible, oui.