Peut-on appeler ça le destin ? Je me souviens exactement de l'endroit où j'ai découvert Chin Chin: la salle d'attente du toubib chez qui j'allais suivre mon traitement contre le rhume du foins. Il y avait ce magazine, le genre qui traite de l'actualité suisse, mi-voyeur, mi-informatif, qui proposait un petit article sur une jeune formation de la ville de Bienne (Biel), à une trentaine de bornes de chez moi...Du haut de mes treize ans, je l'avais trouvée bien jolie, cette jeune punkette blonde qui comptait à peine cinq printemps de plus que moi...Toujours est-il que je n'ai jamais oublié le nom de son groupe. Deux années plus tard, je plongeais dans la new wave de plein pied avec bonheur et délectation...L'occasion lors de nos nombreuses journées à ne rien faire sinon boire des litres de bière bon marché et écouter des tonnes de disques d'entendre un titre ou deux...Ce n'est que voici quelques mois que le nom m'est revenu en mémoire et que je l'ai tapé par curiosité sur Internet...Coïncidence ? Voilà justement que venaient d'être réédités les premiers travaux du groupe, un EP et le LP que je chronique en ce moment. Immanquablement, on rapprochera la musique de leurs compatriotes de Kleenex/Liliput, du fait que les deux formations sont exclusivement féminines mais également qu'elles se désaltèrent à la même source: le punk rock, David Bowie, Blondie, Siouxsie...D'abord un trio réuni autour de Karin (la jolie blonde du magazine), Esther et Marie-Anne, Chin Chin va avoir beaucoup de mal à trouver une chanteuse, les musiciennes underground n'étant pas si aisées à dégotter, le temps d'enregistrer un EP, 'I don't wanna be prisoners', avant de se retrouver à trois une fois encore. Karin et Esther décident donc de se partager le chant et le groupe poursuit. En 1985, ayant enregistré assez de matériel, les filles sortent leur premier LP, 'Sound of the Westway'. Si les racines punk s'y décèlent aisément, on sent également un goût prononcé pour un aspect pop dans la mélodie né de l'intérêt de nos musiciennes pour les 'girls groups' des 60's tels que The Ronettes ou The Crystals qui servirent à Chin Chin à apprendre à jouer en les reprenant lors des premières répétitions. Les compositions s'articulent autour de bases simples qui doivent beaucoup aux Ramones avec un son de guitare hérité du punk, une basse solide et une batterie plutôt binaire dans la frappe; s'ajouteront sur certaines chansons un saxo ('Love song'), de l'harmonica ('Room of sadness'), le reste se jouant entre les chants de Karin et Esther et ce que la sensibilité féminine peut apporter dans l'écriture. Est-ce le secret ? Les titres sonnent toujours aussi frais, avec de belles réussites comme 'Room of sadness' (la guitare y est magnifique), 'Dead life' ou encore 'Why am I so lonely'. Ok, il n'était pas nécessaire de nous coller en bonus la reprise de 'Da doo ron ron' en répétition à la fin, si ce n'est pour le fun. Pour le reste, c'est du bon qui ravira les fans de punk mélodique féminin. 4,5/6