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Scientist › Rids the World of the Evil Curse of the Vampires

cd • 10 titres • 37:35 min

  • 1The Voodoo Curse3:49
  • 2Dance of the Vampires3:26
  • 3Blood On His Lips3:00
  • 4Cry Of The Werewolf4:25
  • 5The Mummy's Shroud4:26
  • 6The Corpse Rises3:27
  • 7Night Of The Living Dead4:14
  • 8Your Teeth In My Neck4:38
  • 9Plague Of Zombies2:49
  • 10Ghost Of Frankestein3:21

informations

"Produced & arranged by Henry "Junjo" Lawes. Rhytms laid at Channel One. Backed by the Roots Radics. Mixed By Scientist (Hopetown Brown) at King Tubby's at midnight on Friday 13th June 1981".

line up

Scientist, The Roots Radics (groupe)

chronique

  • deep dub dibbie duppie wise

Ça finit toujours comme ça, en Jamaïque. Ça n'arrête jamais. Invariablement, tout ce qui se pose, aborde, accoste sur l'île - refuge des Frères de la Côte, Eden de contrebande et de circumnavigation - est absorbé, immédiatement. Assimilé, taxé, pesé. Évalué, escamoté, pillé. Flotté, caboté, écoulé. Défait, refait, contrefait. Fondu, dessoudé, dépiauté. Éventré, fracturé, débité. Recousu, ressoudé, refondu... Muté, contaminé, diffusé tout de suite, à la vitesse des rumeurs qui courent en temps d'épidémie. La vieille Angleterre - qui a du abandonner les plantations mais n'en a pas pour autant condamné derrière elle toutes les voies de trafics -, l'Amérique toute proche - qui n'a de cesse de liquider, ici aussi, tous ses produits, son surnuméraire - s'y risquent régulièrement, inlassablement : à l'export, à la fourgue. Toujours, elles expédient, sans vergogne, en masse et sans chercher à les adapter - comme elles font partout, d'ailleurs - leurs bobines populaires, légendes technicolores, romances à deux sous, épopées de trois minutes, mythes et héros en stéréo. Et toujours, les réseaux locaux -marché noir et fabriques de maquis- les prennent de court. À peine l'article touche-t-il au port que déjà les palpent les intermédiaires, les passeurs ; et juste après, le petit peuple. Et dans les heures qui suivent tous ont vu, entendu, goûté : des mangroves aux taudis, jusqu'aux collines avoisinantes, aux scènes des boîtes à touristes. Et le jour d'après se donnent des versions locales, reprises, adaptées, appropriées. Et dans les semaines à venir poussent des surgeons, foisonnent des greffes, surgissent des artistes, des phénomènes jusqu'alors inconnus, comme sortis de nulle part, tout emprunts de ce génie vernaculaire qui confond les sources pour les exhaler, ensuite, en formes immédiates, fraîches, coulantes, très singulièrement inventives. Et bientôt, l'on ne danse plus ici qu'aux chants de ces gloires locales et pléthoriques. Pire, mieux, plus encore : le pays, la ville, le quartier, la rue, expédient au dehors des émissaires clandestins, des voyageurs chroniques qui en ramèneront de nouvelles techniques, une élégance prête au détournement, des façons de marcher dont s'emparera sans attendre la syncope indigène. Vous lui dites : jazz ? Rythm'n'blues ? Rock'n'roll ? Pop ? Doo-wop soul funk Motown et Stax ? La Jamaïque vous répond : ska, rocksteady, skank, reggae. Al Green ? Curtis Mayfield ? Bill Withers ? Elle vous rétorque : Desmond Dekker, Toots Hibbert, Junior Murvin. Vous lui refilez, en riant sous cape, vos équipements usés, vos enregistreurs quatre pistes, vos technologies bon marché ? Elle invente Lee Perry, King Tubby, le cataclysme Dub. Retour à l'envoyeur mais en plus dégondé, dévergondé, la séduction de l'énigme en plus. Le 'comment font-ils'. À ce jeu-là -des récupérations hétéroclites, des collages en dimensions multiples à la stupéfiante cohérence, d'un art ô combien urgent mais qui ne laisse rien à l'approximation- Hopetown Brown (dit Scientist) s'est attelé très jeune. Avec feu, avec confiance, l'humeur belle et l'appétit bien affûté. Une vision toute particulière de cette musique alors bouillonnante. Entré à seize ans chez Tubby, il en sort à dix-huit, chargé d'idées folles, avec dans les doigts et le cortex tout ce qu'il faut pour les jeter au monde comme un irrésistible charme. Attrapant à la volée tout ce que porte l'air du jour - la vogue nouvelle des jeux vidéo avec les Space Invaders ou Pacman, la coupe du monde de foot... - l'homme sort coup sur coup, au tout début des années quatre vingt, une série d'albums aux pochettes hallucinées -dessins criards, accrocheurs, naïfs mais truffés de détails comiques ou ésotériques-, au son unique, lourd et profond, vaste et précis ; exact, spacieux, déraisonnablement psychédélique, à vrai dire. Et c'est sur celui-ci que culmine ce talent si spécial, cette manière typique. Question de thématique, d'heure adéquate, de grâce fugitive ? L'image est démente, plus que jamais. Un véritable catalogue fantasmatique, en fait : bestiaire, index de créatures exhumées des vieux films de la Hammer à quoi se mêlent héros et vilains du cru. La Momie dérangée dans son sommeil, qui vient croquer de l'arrogant humain ; le loup-garou transformé image par image ; la goule en robe sexy, femme fatale (ou dibi-girl de dancehall, autre chasseresse de mâles en rut ?) ; et même : la créature du docteur F. et le Comte de Transylvannie, vampires et golems agents de Babylone la Grande... Le château, la forêt aux troncs serrés, les marais infestés. Le zombie vaudou, la sorcière Obeah. Et cette patrouille rasta, avec son sound-system amphibie, qui vient dégommer toute cette clique sans autre forme de procès, à la lumière des torches, du faisceau balayant qui fait fuir les alligators. Il y a là-dessous, bien sur, un monde tout aussi grouillant, habité, où l'on culbute à la première note de cette basse énorme, ronde mais solide, qui pèse et qui soulève, compacte, moelleuse et musculeuse. Comme chez Tubby, chaque élément du rythme trouve son espace propre, la place juste où il s'épanouit au delà de la normale jusqu'à devenir obsessionnel, hypnotique, fascinant. Charley coupant, grosse caisse lestée, caisse claire, grelots, coques pleines de graines mixés très haut, très présents, à l'autre extrême du spectre des fréquences. Là, aussi, comme chez son maître, les voix, les cuivres, les guitares, le piano... passent d'un plan à l'autre, se délitent ou déferlent en échos, tournent, disparaissent, remontent et frappent comme une soudaine réminiscence psychotrope. Mais il y a aussi - et cette fois comme nulle part - cette passion unique pour les machines détournées, les effets appliqués à l'encontre du plat bon sens : pistes enregistrées puis repassée à travers une wha ample, véloce, qui tord le groove ; sons dupliqués, phasés, déphasés, subtilement décalés, grossis, accumulés à la limite haute de la saturation ; filtres qui basculent la mesure, la tournoient, l'expose à tous leurs rayonnements, la porte sous toutes leurs ombres... Avec dans tout cela un sens du jeu, du suspens, de l'imprévisible, du sur-le-fil qui vous empêche de décrocher, vous prends sans cesse à revers pour mieux vous aspirer. Et une continuité, une fluidité dans l'enchaînement des morceaux -des interludes très brefs, cris de démons hilares, noyés de réverb', démultipliés par le delay lient entre elles les plages- qui font de ce disque, plutôt qu'un laborieux concept-album, la survenue soudaine, dans nos foyers, de cette folie des danchalls d'alors, avec ses illuminés au micro, les corps échauffés, court-vêtus, les esprits lancés en roue libre. L'excitation épidermique et mentale. La fête abyssale, intense et lumineuse où tout se libère et tout s'enflamme. Une performance instantanée, populaire et complexe, limpide et codée, irrationnelle mais évidente. L'enregistrement d'un instant forcément éphémère mais qui pourtant, trente ans plus tard, n'a rien perdu de son aura, de sa puissance de renversement, de joie, d'affolement. Encore, à l'écouter en boucle, on en vient à ne plus distinguer les entrées des sorties, les points de jonction de l'envoûtement. La nuit s'enlumine de chaleurs organiques. La Science est l'Esprit : qui hante les machines et leur souffle la vie.

note       Publiée le vendredi 30 avril 2010

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(N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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Ouais on se demande comment il arrivait à produire des sons pareils avec un matos qu'on imagine limité. C'est vrai que ça sonne bien psyché, bien deeeeeeeeeeeeeeep. Et c'est vrai qu'il est trop court et c'est bien son seul défaut. Alors au programme pour prendre sa suite : de la boxe, du foot et des jeux vidéo.

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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(Bah cimer de ma part et de celle d'Hopetown Brown - et de celle des Roots Radics, tiens, en passant).

Et oui, sinon, le son du Scientist de cette époque est assez incroyable - surtout qu'il ne disposait sûrement pas d'une montagne d'équipement dernier-cri ! Et spécialement sur celui-ci, je trouve... Son profond, ample et carrément psyché, encore une fois.

Par contre... Il est super court, ce disque ! (A prolonger par ceux qui l'entourent, du coup, ceux avec les pochettes jeux vidéos ou footchebaùl...).

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(N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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Au delà du fait que GTA III brought me there, comme il convient de dire, quel son mais quel son ! Et les ressources de Guts ne cesseront jamais de me surprendre : "ah ben ouais c'est là ça aussi !" Formidable chro pour formidable album.

Buko Envoyez un message privé àBuko

Mince, quel claque ce disque...

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E. Jumbo Envoyez un message privé àE. Jumbo

Longue oui mais elle se lit bien et le passage sur la Jamaïque est cool. Sinon y a que cinq titres de l'album dans GTA III (les 2, 5, 6, 8 et 9 précisément).

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