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These New Puritans › Hidden

cd • 11 titres • 43:02 min

  • 1Time Xone
  • 2We Want War
  • 3Three Thousand
  • 4Hologram
  • 5Attack Music
  • 6Fire-Power
  • 7Orion
  • 8Canticle
  • 9Drum Courts/Where Corals Lie
  • 10White Chords
  • 115

informations

Produit par Graham Sutton et Jack Barnett - Mixé par Dave Cooley - Ingé-son : Phil Brown - Arrangé par Jack Barnett et Ryan Lott

line up

George Barnett, Thomas Hein, Sophie Sleigh-Johnson, Jack Barnett

chronique

Les choses vont vite, en Albion. Ces nouveaux puritains-là, je les avait déjà repérés, avec leur ferronnerie, leurs chaînes, le chanteur en cotte de mailles sur scène l'air le plus sérieux du monde (condescendant même...), en décalage total en première partie de groupes nettement moins rebrousse-poil et prise de tête. Mais je ne m'attendais pas à ce que le 2ème album soit déjà celui de la "maturité", de la surenchère, des musiciens additionnels par dizaines, du virage expérimental et "grandiloquent", d'après ce qu'on dit. Ok, mais de la grandiloquence dont on forge les épées les plus affutées. C'est au Wu Tang Clan qu'on pense sur des titres comme Three Thousand ou Attack Music. Certes, Jack Barnett, le leader multi-casquettes, peut énerver avec ses assertions un peu dépassées en 2010, prétendant n'écouter que du Hip-Hop, du R'n'b et du classique; mais le pire, c'est que cette tête de lard anglaise le prouve avec cet album ahurissant. Pas de guitares, ou presque. Il y en a bien une qui fait un bruit de foreuse sur Fire-Power, mais c'est presque tout. Hidden est un album sur le fil, orchestré avec une minutie d'horloger suisse, mais soufflant le chaud et le froid avec une cadence de machine infernale. On peut penser au Public Image de Flowers of Romance, mais avec des strates sonores de folie, un son proprement énorme, et - et c'est là que Hidden est un coup d'épée dans les noirs marécages de l'inconnu - une vingtaine de musiciens, pour la plupart issus d'un orchestre Tchèque, et tous préposés à des instruments à vent ! Tiens, tiens, voilà qui rappelle un certain Rossz Allag... de Venetian Snares (et comme par hasard Barnett a appris à composer sur une portée spécialement pour l'album). On dirait le line-up d'un album orchestral de Zappa, sauf que tout est voué à une vision sombre, dénuée de tout espoir et de toute humanité. Et puis, il y a ces percussions, omniprésentes, multiples. Une bonne part de l'album résonne comme un grand chant de guerre, entrecoupé d'hymnes instrumentaux aux airs de recueillement des guerriers en ayant une pensée émue pour leur dictateur... Joué sur une installation suffisante, le son de Hidden fait trembler les murs. Tambours, percussions déchaînées + orchestre à vents en mode funèbre mixé par un habitué des productions hip-hop de J Dilla (Dave Cooley), et produit par le leader de feu Bark Psychosis, à votre avis, à quoi ça peut ressembler ? A rien de connu. A la limite, on peut concéder au groupe une certaine similitude avec Radiohead lors des lignes de chant de Barnett (souvent masquées par l'incroyable volume sonore de l'accompagnement, mais écoutez White Chords), et aussi un peu pour la démarche, rappelant le virage radicaliste de Kid A. A vrai dire, si Muse a repris à son compte toute la geignardise et la mauvaise grandiloquence du groupe de Thom Yorke, These New Puritans se placent volontiers en héritiers de leur versant sombre et ascétique, avec cet album. Radiohead peut enfin accomplir cette séparation qu'ils promettent depuis si longtemps, la relève est là, et elle n'est pas disposée à céder le moindre pouce de terrain. Les titres les plus belliqueux du groupe sont assez clairs là-dessus : du formidable We Want War (qui vire au classique pur à la moitié) à Fire-Power, on dirait qu'une terrible bataille fait rage. Des bruits de sabre qu'on dégaine surgissent des enceintes, poussant sur plusieurs morceaux une idée qu'avait déjà eu Iggy Pop sur Search & Destroy, des sons de chœurs tout droit sortis d'une banque de sons 16 bits (Three Thousand), des sons de cor et de basson funestes, le tout confronté à des beats et des tics de production directement échappés des récentes mutations du hip-hop anglais, grime et dubstep. Cette bataille-là n'oppose pas, comme celle mis en scène par Zappa sur The Grand Wazoo, cuivres et cordes, deux facettes d'une même culture savante qui s'affrontent par jeu. Ici, on cherche à faire mal. Dans ce labyrinthe de sens malmené par une perfection formelle qui aplatit littéralement l'auditeur, on peut se retrouver face à Hologram, où Barnett nous tourne le dos en lançant : "Shut the door because I'm staying here", faux apaisement pour ce qui est en réalité une poussée de fanatisme de la part de notre protagoniste, blanc, malingre, détaché du monde sensible... Retranché dans son labyrinthe mental, en communion avec son Dieu, ou dans sa chambre face à un univers virtuel ? Sur Orion, on penserait presque à ce vieux Jaz Coleman... Là, c'est trop pompeux, mais n'est ce pas voulu ? Ce déferlement impudique de chœurs et de vents ne sonne-t-il pas volontairement faux ? Comble du grotesque, une chorale d'enfant vient terminer le morceau en récitant ce qui sera également les dernières paroles de l'album sur l'apothéose orchestrale "5" : "et les arbres se mirent à marcher, et les rivières à parler, mais seulement grâce au numérique". On peut en rire, on peut aussi en réfléchir. Le thème orchestral d'une tristesse grise et malsaine accompagnant cette sentence se retrouve tout au long de l'album, qui en apparaît ainsi organisé comme une œuvre classique, et non un album de rock (le premier album est assez loin). Une œuvre classique qui s'autoriserait quand même un exercice aussi gratuit et bourrin que Fire-Power, entre The Fall et les tambours du bronx. Et quand ils reprennent Where Corals Lie de Sir Edward Elgar - compositeur également repris sur Rossz Allag... etc vous l'aurez compris - entrecoupé de leurs monstrueux assauts percussifs, ça devient sévèrement surréaliste. L'originale était une superbe lamentation mélancolique et un brin suicidaire, et là, on a plutôt l'impression que les coraux sont fait de polygones et que le chanteur est en pleine partie de World of Warcraft XII, et admire le décor entre deux combats à mort. Ou bien est-ce la foi aveugle qui a gagné ? Les frères Barnett, pour les avoir vus deux fois sur scène, toujours avec un son d'une qualité et d'une clarté ridiculisant littéralement le groupe en tête d'affiche, semblent absorbés par une quête qui ignore toute influence extérieure. L'un d'eux est l'un des modèles d'Hedi Slimane (l'unique responsable du déferlement de groupes à jean slims des années 00), défilant parfois sur la musique de son groupe, dans un décalage assez morbide mais qui n'effleure même pas l'esprit de la plupart. Pourtant ces "nouveaux puritains" ressemblent plus au personnage du jeune prêtre du film There Will Be Blood sorti il y a un an qu'à Pete Doherty ou à n'importe quel rocker anglais actuel. En fait, si l'on s'en fie à leur récentes déclarations ainsi qu'aux paroles absconses mais décidément intrigantes de Hidden, ils ne sont pas près de ressembler à qui que ce soit, puisque ce virage total et démesuré (c'est un projet pharaonique, en fait !) se veut définitif. On n'était pas prévenus, ni préparés. Il n'y aura pas de recommandations, ce disque est seul, comme un artefact violent et froid au coeur de son labyrinthe. "We hold all the secrets, We hold all the words / But they're scrambled and broken so you'll never know".

Chef-d'oeuvre
      
Publiée le dimanche 4 avril 2010

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    born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

    ... Et ce pourrait bien être leur meilleur ; même si j'aime pas mal le précédent.

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    Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

    Les premiers extraits de ce nouvel album sont encourageants.

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    born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

    Nouveau, Inside the Rose, le 22 mars.

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    born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

    Méchamment vieilli, ça.

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    TribalCrow Envoyez un message privé àTribalCrow

    Les PURITANS laissent leur Post Punk du 1er album ( qui surgie sur "Fire Power", petite parenthèse mais bien intégrée au milieu de l'album), ne gardent que cette batterie tribale et martiale, accompagné de cet orchestre grandiloquent et funèbre pour partir en guerre ("We Want War"). Sans oublier les moments de recueillements ("Hologram" et son piano, "Orion" et ses chœurs accompagnés de bruits de chaines). Hidden est aussi truffé de petits détails jouissifs ! Des arrangements de claviers et électroniques (cette basse électronique sur "Drum Courts" !), des bruitages bien tassés et immiscés derrière les recoins (les fameux sssscchhhwwwiiinngg). Une œuvre labyrinthique et écrasant tout sur son passage.

    Note donnée au disque :