Il faudra bien un jour que je répertorie ici tout ce que ces barges de Skin Graft ont pu sortir, tant ce label ne cesse de m’étonner. Made in Mexico (prononcer “Mehhico”, ça sonne mieux), est une aberration de la nature, un bâtard du 21ème siècle né de l’union pas si contre nature que ça – vu comme le résultat coule de source – entre le noisecore spazzmodique made in Skingraft et le… (avale sa salive)… le Reggaeton. Cette musique de soundsystem moite popularisée au début de la décennie, et connue des Portoricains depuis le début des années 90. **murmures de désapprobation dans l’assistance**. Je ne vais pas décrire le style en détail, mais me contenter de préciser que je ne peut pas encadrer la Salsa et une bonne partie des musiques festives d’origine latine (pas que d’origine latine…), et pourtant, pourtant… Made in Mexico, ça le fait. On en entend souvent geindre, après une décennie de blasage intensif grâce à Internet, qu’ils veulent entendre du nouveau, du vrai, du pur, du pas coupé. En voilà pour de bon. Personne n’a jamais rien fait qui ressemble à ça. La batterie est prodigieuse de syncope et d’inventivité, la basse d’une impudeur totale, et les guitares semblent en plastique (en réalité, Jeff Schneider, l’ex-Arab on Radar à la dégaine patibulaire, joue sur une gratte en forme de gros uzi, avec une ceintures de cartouches en guise de bandoulière). Ce truc vous chope dès la première écoute, sans que vous compreniez par où ça passe exactement, et vous RENSEIGNE. La chanson titulaire kick directement dans les balls, comme on dit un peu au dessus du Mexique, et si vous avez des gambettes en état de marche, il y a des chances pour qu’elles s’emballent dès ce début d’album en foire, et ce jusqu’à la fin. Nom de dieu que ce groupe est funky. Je ne suis pas loin de penser qu’ils sont capables d’engendrer tout un courant musical, tant ce Guerillaton a la carrure et la gnaque d’un Entertainment de Gang of Four… Et le plus beau, c’est que ces gens revendiquent le tout fièrement : après un interlude repiquant le bruit de sirène qui fait la transition entre les chansons sur les radios Reggaeton, ils entament For Your Own Good par un "pa-dou-pa" chaloupé qui ne laisse aucun doute possible. En vérité, Made In Mexico lorgne beaucoup plus du côté latino et groovy que du côté noise ou no-wave ! Comme si cela ne suffisait pas à les rendre totalement à part, leur morçal Yes We Can s’est retrouvé dans le jeu Guitar Hero sur PS2 ! C’est le titre le plus shakant du booty de l’album. Hem, imaginez un peu la tête des fans de Green Day ou d’AC/DC qui tombent au milieu d’une partie sur une sorte de matrone chicano sur fond de gratte atonale et de rythmes déstructurés qui leur répète le slogan de la campagne de Barack Obama avant de yodeler comme les femmes arabes les jours de fête… Moi j’imagine une mâchoire qui tombe, perso. Évidemment, le groupe a récolté des torrents d’insultes, dénotant quand même sacrément avec le robinet à classic rock proposé par le jeu… Made In Mexico n’est pas là pour plaire à tout le monde (les allusions à Noam Chomsky & co les font facilement passer pour de dangereux gauchistes aux USA , même aujourd’hui) mais plutôt pour éclater ceux qui adhèrent à sa musique. Tout au plus pourra-t-on leur reprocher leur rhétorique parfois un peu primaire dans son anti-américanisme, comparé à des groupes plus obliques et foutraques comme Triclops, mais cela n’apparaît pas vraiment dans les paroles, très absconses. On évoquera plutôt une légère lassitude face au style plaintif et parfois saoulant de la chanteuse – même si elle a quand même plus de charisme que toutes ces hurleuses en goguette avec leurs mitaines beetlejuice – mais c’est vraiment pour chipoter et justifier le non 6/6. Car là, pour le coup, ce truc est nouveau. C’est pas souvent qu’on a eu l’occasion de dire ça ces dernières années. A découvrir absolument – et en vinyle, faites pas la même erreur que moi, la version cd est trop light.