Jack Or Jive › Kakugo

Jack or Jive est depuis le début irrémédiablement associé aux superbes artwork réalisés par sa chanteuse, Chako, et au label Prikosnovénie, au nom de contrée imaginaire, sur lequel sortent tous leurs albums. Une contrée imaginaire d'où viendrait sans doute Jack Or Jive, eux qui rencontrent plus de succès en France qu'au Japon, pays où leur musique, sans paroles, utilisant la voix comme un instrument au langage imaginaire, à la manière de Liz Fraser (procédé déjà utilisé par pas mal de musiciens japonais pourtant), déconcerte un peu trop les foules, peu habituées à une musique aussi liquide, et surtout éloignée de ce que les Japonais entendent par le mot "goth". Aucun kitsch ici, mais une beauté morne et funeste qui peut paraître impénétrable au premier abord, voire un tantinet surjouée. Pourtant, les nuances se révèlent peu à peu, comme sur ce War Scapes II ou un zeste de réconfort semble apparaître vers la fin de cette comptine plaintive. Plus loin, Don't Burn Down ravit littéralement de par son ambiance cinématographique, évoquant presque les gamins de l'Empire d'Akira planqués sous les décombres, tandis que les hélicoptères balaient le secteur... Le meilleur moment reste cependant Look up at the sky, où le groupe se rapproche le plus d'une chanson, véritable rêve évoquant pénitence et receuillement. Pourtant, c'est sur, une pièce comme Shot Arrow II, par exemple, a de quoi faire fuire pas mal de monde de par son nihilisme maniéré et radical : pas de mélodie, seulement des nappes d'orgue d'église, autour desquelles s'entremêlent des voix, parlées et hululées, et qui s'achève dans un cri déchirant, précipitant le morceau dans une abîme sans fond. Jack or Jive poursuit ici son retour aux sources, cette fois vers Prayer, leur premier opus, tout en livrant un album concept sur le Kakugo, un enseignement du Bushido, code de conduite du samuraï, qui glorifie la mort comme une issue noble et omniprésente, rappelant l'importance de l'honneur par dessus toutes les autres valeurs. Quoi de plus japonais ? Un bon album à écouter en jouant à Project Zero, au milieu des fantômes nippons, qui semblent avoir enregistré ce disque quelque part dans un manoir décrépi. Depuis, le groupe, rompant un peu avec son rythme de sorties catatonique, a sorti "Kokorobito", un live, mais pas sur Prikosnovénie...