Alasnoaxis › S/t

Il est plus que temps que Guts of Darkness se tourne vers certaines forces vives du jazz contemporain pour leur dérouler le tapis rouge. Il est évidemment très facile d'encenser un artiste une fois que celui-ci a fait ses preuves, longtemps après que tout le monde se soit mis d'accord sur ce qu'il était de bon ton de penser de l'importance relative de son travail, conditionné parfois à tort sur base de sa seule longévité. Jim Black n'est pourtant pas un illustre inconnu ; ce jeune batteur ayant fait ses classes aux côtés de Tim Berne, Dave Douglas et Ellery Eskelin a su captiver les foules sensibles à son approche texturale de l'instrument, dynamisée par une véritable énergie rock. Quand il monte le projet AlasNoAxis, c'est exactement de cela qu'il s'agit. Troquant son rôle de solide sideman au profit de celui de leader, il peut enfin assouvir ses aspirations de compositeur. À l'instar de Paul Motian, Black nous démontre sur ce premier album éponyme que son écriture, nourrie par des années d'expérience et une culture plus vaste qu'il n'y paraît, reste essentiellement focalisée sur l'écoute. Pour concrétiser ce rêve, notre batteur s'entoure des fidèles Chris Speed au saxophone et Skúli Sverrisson à la basse, déjà présents à ses côtés au sein de Pachora. Ils sont rejoints ici à la guitare par Hilmar Jensson, en lieu et place de Brad Shepik. De fait, notre quartette arbore un profil plus communément admis dans les cercles du rock prog que ceux du jazz proprement dit. Speed, de son jeu élégant et épuré, est pour ainsi dire le seul à incarner ce lien ténu, donnant leur ampleur lyrique aux différentes mélodies qui illuminent le disque ("Maybe", "Boombye"). Jensson joue au trouble-fête en restant fidèlement arrimé à sa pédale disto ("Garden Frequency") alors que la paire Sverisson/Black dirige les opérations en donnant à chaque titre leurs couleurs singulières, tour à tour passionnées ou introverties. AlasNoAxis propose avec ce premier disque un condensé de modernité jazz où se retrouveront aussi bien les amateurs de Naked City que de Masada. Pour les non-initiés toutefois, l'album apparaîtra tout de même comme fort long.