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Franz Schubert (1797-1828) › Les dernières sonates pour piano

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ellington      mercredi 23 décembre 2009 - 20:18

cd4 • 8 titres • 76.33 min

  • Sonate en ut mineur, D.958
  • 1I. Allegro11:26
  • 2II. Adagio7:50
  • 3III. Menuetto (allegro)3:23
  • 4IV Allegro9:43
  • Sonate en si bémol majeur, D.960
  • 5I. Molto moderato20:47
  • 6II. Andante sostenuto
  • 7III. Scherzo (allegro vivace con delicatezza)
  • 8IV. Allegro, ma non troppo

cd5 • 4 titres • 62:25 min

  • Sonate en la majeur, D.959
  • 1I. Allegro15:36
  • 2II. Andantino7:37
  • 3III. Scherzo (allegro vivace)5:36
  • 4IV. Rondo (allegretto)12:05
  • Sonate en la mineur, D.537

informations

Enregistré à Riehen (suisse), Landgasthof, 1992-1993. Directeur artistique : Dr. Michael Stille; Ingénieur du son : Hartwig Paulsen; Montage : Hilmar Kerp

Les versions chroniquées sont les CD 4 et 5 issus de l'inespérable coffret EMI classics qui contient sur 5 CD pour 15 euros (si, si...) une large sélection de sonates interprétées par le remarquable Christian Zacharias, qui n'hésite à mettre de lui-même dans une vision de ces pièces qui ne demandent que ça. Dans un registre tout à fait différent, tout en maturité et contrôle mais avec un sens de l'émotion absolument prodigieux, je ne peux que recommander, en priorité, la gravure des ces trois ultimes sonates par Alfred Brendel pour Philips.

line up

Christian Zacharias (piano)

chronique

Trimalcion le dit si parfaitement dans sa chronique des impromptus : "On sait qu'il n'existait pas à proprement parler, pour Schubert, de musique gaie. Toutes ses œuvres sont empruntes de solennité, de nostalgie, de mélancolie, voire même, pour certaines d'entre elles, de la plus déchirante tristesse. (...) il n'en oublie cependant jamais la plus délicate pudeur." Ses trois dernières sonates pour piano furent pensées comme un ensemble. La dernière fût achevée un mois à peine avant la mort du compositeur; elles sont à la fois testamentaires et pleines de force, savantes et limpides, terribles et lumineuses : l'aboutissement d'un art. Schubert, c'est l'élégance mozartienne aux prises avec les démons de Beethoven, une musique toujours gracieuse, aux caprices élégants, aux torrents magnifiques. L'apparente austérité du thème qui nous cueille à l'entrée de la 958 porte déjà les signes de la mélancolie, pire : du fatalisme. La suite est inquiète, derrière ses attraits sautillants : le rythme est forcé, le sourire imposé, et dans les mélodies qui se croisent gronde l'inconfort... la beauté s'interroge, comme en proie au doute. L'autrichien est mort jeune, mais terriblement adulte. Les notes lui appartiennent et il les assemble avec une totale dextérité. Des mélodies rapides se dégagent des accents qui dessinent une mélodie centrale, un chant de tristesse qui se révèle au cœur de roulements de notes lourdes et pluies d'aigus volages... des mélodies d'accords où chaque note est complexe, chaque émotion profonde et nuancée, les beautés divergentes plongeant finalement le paysage dans un étrange clair obscur, raffiné et changeant. Car l'art de Schubert est pictural, tout autant qu'émotionnel; il partage avec Brahms l'arcane de cette alchimie unique avec laquelle ils firent de leur musique de véritables promenades méditatives, des heures indispensables à marcher sur les feuilles et à guetter les lacs en y puisant la force de rouvrir ses blessures, pour les apprivoiser. Toutes les nuances du bleu... du matin au bleu noir, du brouillard à l'azur en passant par la pluie et le soleil qui perce. Comment vivre l'andante de la 960, l'andantino de la sonate en la majeur... si ce n'est en pleurant? Car lorsque celui qui se sert ici de son piano comme d'un orchestre, enrichissant chaque note d'un accord lors de ces fameuses constructions mélodiques denses et vibrantes, décide de ne jouer qu'une seule note à la fois : c'est pour le creux de l'oreille, c'est comme un aveu... ces lignes de notes nues à l'harmonie merveilleuse viennent comme des confessions... et Schubert était triste. Comment accepter alors qu'il nous agresse, après nous avoir ainsi dénudé de tout masque et de tous nos sourires, dans une mélancolie si timide et déchirante, comment ne pas avoir mal sous le coup de ces accords si noirs et si violemment arrachés au silence, quelques secondes à peine après les premières gouttes de pluie? Oui, du bleu clair au bleu nuit, Franz Schubert pleure des mélodies comme s'il en pleuvait, cherchant à s'en sortir par cette douceur apaisante qui naît de la beauté. Cette musique, proprement symphonique malgré son intimisme viscéral, est un territoire de rencontres chromatiques magistrales, une sorte de nature parfaite aux détails innombrables et à l'équilibre extraordinaire, et dont la visite, la contemplation du mouvement nous inviteraient, comme par un triste enchantement, à la plus mélancolique des introspections. Schubert est dans la beauté permanente, dans l'élégance innée que le travail a portée au sommet, dans la virtuosité émotionnelle et la maîtrise esthétique. Les notes sourient, s'affolent, hurlent, chantonnent, les mélodies n'en finissent pas de nuancer leur sentiment dans une course en avant, une course à la respiration rendue docile et confortable par l'épaisseur des étoffes harmoniques qui s'installent avec tendresse en contre plan. Alors oui, Schubert explose, il enrage, il désespère et en finit par hurler... il est grave et sévère dans des thèmes implacables à la noirceur biaisée, aux ténèbres éclaircies par la faible lueur d'une tendresse harmonique... placée là par égard pour nous. Et Schubert parle, se tait et se promène, il gambade (écoutez cette mélodie pastorale au milieu de l'allegro de la 958), de mélodies ruisseaux en palpitations miroitantes de notes graciles, d'humeurs légères et sages qui s'autorisent l'oubli en confessions intimes, douloureuses et magnifiques. Il est certaines musiques dont l'amour semble indissociable d'un même amour pour leur auteur. Elles nous interdisent de croire en sa fatuité, en sa platitude d'être humain. Et ce sont toujours celles qui semblent le mieux nous parler, et s'adresser le plus, à nous-mêmes.

note       Publiée le lundi 21 décembre 2009

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    Quelle belle chro ! ce que je trouve vraiment poignant dans ces sonates de la fin, c'est de retrouver les mélodies qu'il a utilisé dans des lieder , et de les entendre allongées , triturées , assombries . Comme si le chanteur était parti avec le chant ( la vie , l'amitié ) et que le tête à tête avec le piano l'enfonçait dans le chaos mental, puis la mort . Si on est dans les bonnes dispositions pour l'écoute , c'est un sacré voyage .

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