Dreadnaught › Musica en Flagrante

Bien entendu, je n'allais pas m'arrêter en si bon chemin. La publication de "Musica en Flagrante" fin 2004 était pour moi l'occasion idéale qui me permettrait de redonner une seconde chance au cas Dreadnaught, un cas qui mérite qu'on s'y attarde malgré tout. Plus que jamais, le groupe américain table sur la confrontation des genres. Nous délivrant un album d'une vingtaine de titres dont la moyenne est de trois minutes trente, chaque morceau est comme une pièce d'un immense patchwork qui nécessite un certain recul afin d'en apprécier l'image complète à défaut de vraiment pouvoir la comprendre. À mi-parcours, on se rappelle soudain qu'il y a peu de temps encore, Dreadnaught incorporait le chant dans son impressionnante panoplie. Le groupe semble avoir décidé d'en faire l'impasse pour cette fois ; un élément qui contribue grandement à consolider l'aspect hautement expérimental, purement inclassable de l'oeuvre. Lors des premières écoutes, il apparaît difficile de se familiariser avec une telle collection de titres qui vont dans autant de directions contraires. Un point commun entre tous toutefois : la basse proéminente de Robert Lord qui n'est pas sans évoquer Primus ("Tiny Machines"). Elle balise le terrain sur "Pull Your Pants Down" dont la première partie, "Are Your Pants Down ?", plutôt musique contemporaine, ne laissait en rien présager ce revirement. "Musica en Flagrante" ne comporte que peu de fulgurances rock, de toute façon rien de bien méchant ("Gulf of Tankin", "Royal Jelly", "The Boston Crab", "One Trick Pony" et encore ...). Il s'épanouit plutôt dans des plages au développement délicat, baignées dans des atmosphères distinctes, entre ambient et musique concrète. "The Sirens of Titan" est à lui seul un condensé de tout ce que Dreadnaught explore sur son nouvel album : mystérieux, exotique, mesuré, méditatif, déroutant. Bien que décousu, "Musica en Flagrante" m'apparaît comme bien plus digne d'intérêt que "The American Standard". Moins prévisible, Dreadnaught ose enfin s'aventurer sur des territoires moins balisés qu'il peut enfin s'approprier.