Deborah Martin / Erik Wøllo › Between Worlds

Des fois on a le goût d’entendre quelque chose de différent. Un truc qui ne ressemble en rien à ce qu’on a l’habitude d’entendre. Voici une œuvre étonnante à l’approche mythique et très tribale des peuples des premières nations d’Amérique du Nord. Between Worlds est une agréable surprise qui respire les légendes automnales des Indiens d’Amérique. Un album aux sonorités qui émerveillent et surprennent dans un point de rencontre où deux univers paradoxaux, mais bien en parallèles, s’accouplent avec les instruments d’antan et la technologie d’aujourd’hui. Avec la participation de Steve Roach aux effets électroniques, Deborah Martin et Erik Wøllo (deux artistes reconnus pour apporter des nuances très émotives à leurs créations) ont concocté une fabuleuse épopée musicale truffée d’effets sonores ingénieux qui s’écoute comme le vent chante aux travers les plaines, dunes et montagnes. Une histoire d’Indiens racontée avec une dextérité sonore étincelante.
Un vent sombre, tiraillé par des tintements tribaux, ouvre la pièce éponyme. Des percussions claniques et une belle basse en épousent le rythme langoureux qui en émerge, saisi par une belle flûte qui ondoie avec errance sur des étonnants chants d’un peuple disparu, dont la reconstitution est tout à fait étonnante. Et c’est la force de Between Worlds. Tout au long de ce voyage temporel, Martin et Wøllo laisse une superbe place aux éléments sonores tribaux que l’on entend avec émerveillement dans les films d’époques et d’histoires sur les Amérindiens. Des titres comme Between World et The Thunder And The Water se nourrissent de ses cadences hypnotiques qui initiaient les danses et transes spirituelles des grands prêtres Indiens. Du fond des bois s’élèvent une étrange voix où l’on croit deviner des souffles d’esprits. Des incantations se dessinent sur de lourdes réverbérations caustiques, alors qu’un un tam-tam hypnotique sonne la charge de Spirit Song sur une cadence envoûtante, où cymbales crotalées, sombres vents spirituels et chants Amérindiens foisonnent autour d’une douce guitare éthérée. Un titre à forte essence tribale comme on en retrouve sur A Healing Way et From Earth To The Sky. L’aspect éclectique est présent tout au long de Between Worlds. Des éléments hétéroclites qui s’entremêlent à de lourdes réverbérations synthétisées à la Roach sur des titres comme Anasazi et Canyonland qui côtoient un univers clanique sombre et ténébreux. Ancestral Whispers ,Gathering At Sunrise, Distant Voices et Sunrise At Whiteriver sont des titres atonaux où la dualité entre les éléments d’un espace planant, saisis de douces strates synthétisées, se butent à des chants, incantations et narrations d’un peuple aux milles légendes.
Between Worlds de Deborah Martin et Erik Wøllo est une belle surprise musicale. Un opus audacieux qui moule agréablement les voix et instruments des Indiens d’Amérique aux synthés, programmations et sonorités synthétiques des équipements d’aujourd’hui, voire de demain, dans des contextes harmonieux, envoûtants et même cosmiques. Ce n’est pas de la MÉ pure, ni de l’insipide Nouvel Age. C’est tout simplement de la musique tribale Indienne, marinée dans un bouillon électronique. Pour ceux qui veulent entendre autre chose…