Phylr › Contra la Puerta

Les amateurs d'electro veulent toujours le dernier truc du moment. Et combien par ce fait laissent passer entre leurs mains des merveilles sous prétexte qu'elles ont plus de dix ans ? Cet album de Phylr, ex-Cop Shoot Cop, est une tuerie et tout le monde s'en cogne. Pourtant, il a bien mieux vieilli que Photek et autres vieilleries estampillées drum & bass. Pour faire un rapprochement, si Test Dept avait réussi à faire de l'electro de qualité quand ils s'y sont mis (Tactics for Evolution, Totality), cela sonnerait sûrement comme ce Contra la Puerta. Dub grisonnant, jungle urbaine, narration contemplative – cet album est un véritable cinéma pour les oreilles. On se surprend à y voir un type anonyme courir dans une rue gigantesque, plan en plongée avec vue sur les innombrables vitres identiques reflétant la grisaille ambiante. La caméra traverse les espaces urbains avec un point focal rapproché, passant en revue tous les détails des matières industrielles tout en y offrant un soupcon de poésie. Contra la Puerta s'appréhende beaucoup mieux en une seule écoute tant la cohérence de l'ensemble fait sens. Les percussions soutiennent individuellement chaque scène en se faisant biorythme jusqu'au très impressionnant 'Circumference' aux saveurs orientales délicieuses. Plus d'un instrument vient s'ajouter au mélange : pianos et violons sont de la partie et accentuent sensiblement la dramaturgie visuelle ('The Field') et la diversité des émotions et images sollicitées. Pas tout à fait Scorn, ni tout à fait Brian Eno ni tout à fait Amon Tobin – juste Phylr, avec pour seul défaut d'être sorti sur le mauvais label au mauvais moment. M'est avis que vous saurez lui rendre justice.