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Black So Man › Tout le monde et personne

k7 • 6 titres

  • 1Adji
  • 2Système du vampire
  • 3Tu peux encore revenir
  • 4On s'en fout
  • 5J'étais au procès
  • 6Maman

informations

Détails non précisés.

Il y a encore un an, cette cassette était totalement introuvable ailleurs qu'en Afrique de l'ouest. Il semble que la situation a changé depuis... Ces chansons figuraient aussi, accompagnées d'autres moins intéressantes, sur divers CD bootlegs, reprenant le même titre et la même pochette.

line up

Non précisé.

chronique

Appel à la population : y a-t-il des musiciens, rappeurs ou autres, français, qui parlent frontalement à notre "cher Président" ? Qui disent tout le bien qu'ils pensent de son "système du vampire", de la manière dont il s'est accaparé tous les pouvoirs en France ? De la méthode qu'il emploie pour saper méthodiquement les fondements de l'Etat-Providence et des services publics ? De l'aide qu'il fournit aux dominants pour écraser chaque jour un peu plus les dominés ? Du jeu fourbe et démagogique qu'il entretient, par media interposés, pour brouiller, aux yeux de la population, la cohérence brutale et impitoyable de son action ? Où sont-ils, les musiciens qui se révoltent contre "l'homme aux rats", pour reprendre l'expression d'Alain Badiou ? Pas à coups d'insultes stupides qui les discréditeraient immédiatement, ni de "généro-banalités", non, mais en passant froidement en revue l'état de la société, en dressant méthodiquement (et nommément) le bilan, le vrai bilan, de notre Berlusconi à nous... Combien sont-ils, donc, à le faire ? C'est une vraie question... que je me suis posée il y a un an et demi, au Mali. C'était sur une route entre Ségou et Djenné. Aprés avoir traversé un village inondé dans une vieille voiture, le moteur hoquette et cale, noyé... Les Africains sont forts en mécanique (et vu les voitures qui leur arrivent d'Europe, ils n'ont pas trop le choix, d'ailleurs), mais là, malgré l'aide de plusieurs automobilistes sympas qui se sont arrêtés pour offrir leur aide, pas moyen de redémarrer. C'est pas grave, en Afrique faut jamais être pressé ; je me fais prendre en stop jusqu'à Ségou et de là, je prendrai le bus pour retourner à Bamako. Dans le bus, le chauffeur enchaîne les cassettes, toujours les mêmes scies de coupé-décalé, de variétés congolaises, ou, mieux, les traditionnels maliens d'aujourd'hui : Salif Keita, Ali Farka Touré, Toumani Diabaté... mais on les connaît déjà bien en Europe. Puis une jeune fille rigolarde tend au chauffeur une autre cassette qu'elle aimerait bien écouter. Et là, j'entends Black So Man, un reggaeman burkinabè très connu et même mythique dans cette partie de l'Afrique mais totalement inconnu et introuvable par chez nous (contrairement au pénible Tiken Jah Fakoly par exemple, qui écume les festivals en France et peut enregistrer certains disques en Jamaïque) ; et j'ai comme un flash, une hallucination auditive qui me renvoie direct en France. Et je me pose la question que j'ai évoquée plus haut. Black So Man l'a lancée, cette invective contre son "cher Président" (Blaise Compaoré, en l'occurence), comme personne d'autre, avec son reggae cheap et ses pitchs de synthé à deux balles, certes (quoiqu'uniques en leur genre) mais surtout avec un chant posé comme aucun autre, vraiment impressionnant de maîtrise, et une voix chaude, balancée, un ton toujours juste. Et une rare intelligence. Black So Man l'a lancée, "sans avoir peur des prisons ni de l'élimination physique", Black So Man en est mort. Assassiné par le régime après un séjour en prison, justement. Version officielle : accident de voiture. Mais en Afrique, personne n'est dupe. Cela serait-il aussi dangereux par chez nous ? Pas encore, si ? Alors, réveillez-vous, les musiciens, les "artistes", vous n'avez pas de couilles ou quoi ? Ou alors pas de cerveau ? Ou bien vous préférez agir pour des causes plus justes, comme le soutien à la loi Hadopi ? J'enrage, je bous intérieurement. Black So Man, lui, reste cool. Et les Maliens dans le bus aussi. "J'étais au procès où le présumé accusé avait pour nom le monde où je suis venu. Accusé d'être l'auteur d'un nouveau mal social, quel genre de mal social ? L'insécurité..." L'autre aussi vous en a fait bouffé, de l'insécurité, pour être élu, non ? Et il n'a sans doute pas fini. Et le "dérapage éducatif" ? Bien sûr, revenons aux bonnes vieilles valeurs à l'école. Et pour le reste, nous éduquerons le peuple par la télévision, ce chewing-gum de l'âme, cette police installée dans chaque foyer, avec des directeurs de chaînes à la botte pour nous soutenir dans notre "reprise politicienne". Cette rage, Black So Man la chante, lui, à l'africaine, avec son phrasé chaloupé tout en flegme : "de la démocratie à l'autocratie ; le trésor public est privatisé ; le taux de chômage augmente de jour en jour ; la santé n'est plus pour tous ; les produits ont doublé de prix ; privatisations à droite ; décompressions à gauche ; des gars bien sapés : profession voleurs". Mais que je suis con d'oser sous-entendre une comparaison... on est en Afrique, bordel ! Ces gars-là ne sont même pas encore "entrés dans l'histoire", notre cher Président nous l'a rappelé il n'y a pas si longtemps. Mais pourtant, est-ce à moi que l'artiste s'adresse dans le bus, lorsqu'il répète inlassablement : "faites comme chez nous, on s'en fout" ? Je n'arrive pas encore à m'en foutre. En ce qui concerne précisément cette cassette, il n'y a que trois titres qui m'intéressent : "Système du vampire", "J'étais au procès" et "On s'en fout", le reste étant agréable mais anecdotique. Mais rien qu'avec ça, la claque. Il y a également un accent, de nombreuses expressions et relations savoureuses qui ont trait à la vie de tous les jours en Afrique et à la débrouille quotidienne. Mais ce ne sera pas l'objet de cette chronique. "L'acrobatie par laquelle il est passé me donne la chair de poule", le voilà l'objet. Et je répète mon appel lancé en début d'article : vous êtes où, les gars ? D'accord, maintenant je suis loin, mais j'aimerais tellement vous entendre.

note       Publiée le mercredi 18 novembre 2009

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    Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan  Shelleyan est en ligne !
    avatar

    J'ai écouté 'Le Système du vampire' par curiosité suite à cette chro...Ambiance vraiment étrange...faussement festive: le beat est un poil trop lent, la voix un brin trop cool...et du coup, ce n'est plus la fête, pas de chaleur dans ce titre...un constat implacable mais sans agressivité, c'est presque pire. Même les choeurs féminins ont quelque chose de résigné qui participe à cette ambiance. Impressionnant de maîtrise, plus rapide, le feeling aurait été totalement différent et vain.

    floserber Envoyez un message privé àfloserber

    Excellente ta chronique. J'ai réussi à trouver une copie, je vais m'écouter ça ce soir!

    Note donnée au disque :       
    The Gloth Envoyez un message privé àThe Gloth

    Tiken Jah est en effet devenu pénible depuis qu'il a du succès en France, mais il y a quelques années quand il n'était encore "que" star d'Afrique de l'Ouest, il balançait pas mal contre les régimes corrompus (en citant des noms), à tel point qu'il n'était plus trop le bienvenu dans son propre pays, la Côte d'Ivoire... Je possède notamment la K7 africaine de "Françafrique" avec un morceau dénonçant des massacres ("Misiri"), bizarrement absent de la version "française" de l'album.