Guts Of Darkness

Ce que les hétéros peuvent apprendre des homos, outre le sens inné de la sape et de la paillardise lestée de toute hypocrisie, c'est sans doute cela : voir au-delà des apparences, aussi trompeuses soient-elles (on pense ici à un éminent groupe norvégien et son chanteur, tous deux commençant par G, chers à ce site...). "Things aren't what they seem", chantait une tantouze luxembourgeoise il y a plus de 10 ans, avant de se révéler plus bourgeois et luxe que tantouze, finalement. Que de faux-semblants. Les Gossip n'ont visiblement aucune envie de s'en encombrer, eux, avec ce "Musique pour hommes" annonçant clairement la couleur dès la pochette : tout comme avec la fameuse JD du Tigre, ce bel étalon n'est autre que la batteuse du groupe, et accessoirement petite amie de Beth Ditto, la chanteuse. Trêve de commérages (facile), ceci est le quatrième album studio du trio, malgré ce qu'essaie de faire de croire Columbia, les rois de l'intox décidément, puisqu'ils prétendent qu'il s'agit du 2ème, tout en précisant que le groupe s'est formé en 99 (qui va croire ça ?). Il s'agit en revanche du deuxième depuis l'arrivée de Hannah Billie, la batteuse androgyne, et depuis leur virage plus soul/pop qui les fit exploser au grand public. On ne va pas y aller par quatre chemins (comment ça, c'est déjà fait ?) : c'est une tuerie intégrale, indispensable pour peu que vous aimiez un tant soi peu la musique dansante et soulful. Et pourtant ça ne ressemble à pas grand chose de déjà-vu. A croire que Rick Rubin, qui produit cette bombe, ne se mouille les mains que quand il est sûr de tenir LE groupe qui cassera la baraque, avec ou sans lui. Combien de fois nous a-t-il fait le coup ? Le son est donc, sans surprise, clair, puissant, ultra-percussif, voire trop pour certains, qui se plaignent d'un volume artificiellement élevé. Quant aux compos, ce sont tous des classiques instantanés, du quasi a cappella Dimestore Diamond au punk Spare Me From The Mold, qui a de quoi devenir un hymne du niveau de Been Caught Stealing avec son refrain-slogan parfait pour ce début de siècle lobotomisant, ainsi que son saxophone à la X-Ray Spex. Car Music for Men est un disque mainstream parfait : probablement conscients de leur carton programmé (premier disque chez Columbia), le groupe y a semé de multiples clin d'oeil, au Velvet, à Marvin Gaye, à Kiss (pas que le logo), à Devo... Tout comme cette chronique, Music for men est un album référentiel. Il fallait quand même réussir à proposer 11 titres du même acabit que ce terrible et inoubliable single, Heavy Cross, même si les arrangements y sont hélas plus secs et moins ambitieux. Reste les mélodies, indispensables pour un album imbibé de disco tel que celui-ci, et elles sont toutes imparables, sans exception; alors quand elles habillent des paroles dignes de celles de Chic à la grande époque, c'est la cerise sur le gâteau. Ecoutez moi ce break sur Four Letter Word, et cette classe divine qui émane d'un titre comme For Keeps, instantané d'un groupe maîtrisant son art à la perfection. Car Gossip fait une musique de l'instantané, du moment présent, sans délai ni condition. De celles que votre serviteur - du temps de ses nuits derrière les platines, aurait passé entre Fugazi et Gloria Gaynor.