Jello Biafra With Nomeansno › The Sky Is Falling and I Want My Mommy

Le dernier titre de cet incroyable album, "The Myth Is Real – Let’s Eat", débute par la ligne suivante : "A San Francisco vous pouvez devenir maire à 18 ans mais vous devez avoir 26 ans pour conduire un taxi". Derrière l’absurdité de cet état de fait se cache un résumé corrosif et sans complaisance de l’American Way of Life, exercice dans lequel Jello Biafra excelle depuis l’époque bénie des Dead Kennedys qui prit fin en 1986. Après quelques pamphlets sous forme de spoken-words et une première collaboration avec le groupe punk-hardcore D.O.A., Biafra remet le couvert avec les Canadiens de NoMeansNo qui font les beaux jours de Alternative Tentacles depuis 1987 avec leur jazzcore efficace et hilarant. Rien d’étonnant à ce que l’Américain trouve dans l’univers déluré du groupe un socle solide à la technicité redoutable pour déverser sa bile avec l’acuité qui lui est propre. Un cocktail explosif de cynisme et de références socio historico politiques qui affiche sa pertinence dans le collage qui orne la pochette (chocs des civilisations, propos apocalyptique) comme à chaque ligne de texte trempée dans l’acide, le tout orchestré par un groupe en très grande forme qui ne se prive pas pour suivre l’Américain avec une facilité déconcertante. Punk old-school avec "Jesus Was a Terrorist", "Bad" (crédité aux Hanson Brothers, side-project hommage de NoMeansNo aux Ramones) ou "Ride the Flume", influences jazz 40s/50s sur "Bruce’s diary" ou hardcore frénétique sur le morceau titre et rampant avec l’inquiétant "Chew" (qui n’est pas sans rappeler "Riot" des Dead Kennedys sur "Plastic Surgery Disaster") sur lequel Biafra, sous couvert d’une histoire de rats affamés qui envahissent les rues, ose un parallèle avec la horde des consommateurs avides composée de ses concitoyens. Si NoMeansNo avait déjà conquis avec des pièces maîtresses telles que Sex Mad ou Wrong ils ne font que confirmer ici leur extraordinaire talent à passer du punk le plus basique à des explosions techniques et givrées des plus époustouflantes. Le point d’orgue étant sans nul doute "Sharks in the gene pool", pur moment de folie rythmique et de jouissance verbale : guitare suivant un thème similaire à celui du plus célèbres des requins, duo basse/batterie psychotique aux contretemps et breaks inhumains et un Jello hallucinant qui fustige les manipulations génétiques et invoque Meryl Streep ( !) dans l’un des ses plus grands textes. L’évidence s’impose d’elle-même, l’osmose est parfaite : "The Sky Is Falling and I Want my Mommy" reste d’une impertinence culottée et d’un enthousiasme hautement contagieux, la fin du monde annoncée par le prophète Biafra est ici mise en musique avec une folie et un humour unique. Pourtant, à lire la prose parfois paranoïaque de Biafra il apparaît que certaines de ses visions se sont bel et bien concrétisées. Un manifeste punk hors du temps pour un sujet inépuisable, indispensable à toute discothèque rock.