(la chronique va de pair avec celle de "Bedscanner Philosophy") “Je leur avais pourtant bien dit, mais ils ont choisi de ne pas me comprendre... regardez-les donc, à me fixer avec leurs yeux de veau, emplis de cette peur imbécile qui leur fait courber la queue, ces chiens battus et humiliés... Ecoutez donc leurs cris, appréciez cette résonance, puisqu'ils n'ont choisi que de geindre... c'est à noter, donc : si l'on donne la verte avant la rouge, la peur s'accroît continuellement et les hallucinations prennent des dimensions cauchemardesques. Qu'ils sont ridicules ! Ils pissent le sang et il s'en plaignent. Ce n'est pas le cas de l'autre groupe : dans le bon ordre, les gélules donnent des résultats bien plus intéressants. Suivez-moi ! Ils doivent en être à la phase trois. Il va falloir descendre ; nous avons confiné les laboratoires afin d'éviter toute fuite de quelqu'ordre que ce soit. Aussi, cela permet de rapidement sceller leur sort si un incident survenait, car ce n'est pas une expérience comme les autres. Tout cela se déroule à une bien plus grande échelle : à quoi bon se complaire dans le sadisme tel qu'il était dans son siècle ? Parlons-en, de Sade. Lui qui voyait ces formes de déviances comme l'étape ultime avant la liberté ; je pense qu'il aurait donné beaucoup pour disposer des outils technologiques et biologiques de notre époque. C'est en son nom que je travaille aujourd'hui. En hommage d'un Homme ayant voulu faire grandir l'Homme. Un incompris, assurément... Et qui prétendra saisir dans sa totalité le projet qui se déroule sous nos yeux ? Comment vouliez-vous que j'explique cela aux cobayes, ces déjets humains, ces minables, ces épaves ? J'ai besoin de leur sang, pas de leur accord ! Homoncules rampants et cancéreux ! C'est l'argent qui vous a fait venir, gratteux, mendiants, parasites ! Rebuts moites, tâches récalcitrantes, dont l'attachement à la vie ne se compare à rien d'autre qu'une crotte rechignant à se laisser emporter dans le courant de la chasse d'eau ! Ils devraient me remercier, me supplier même de leur offrir cette seconde vie, cette nouvelle possibilité de se racheter devant Dieu ! Voilà le modus operandi : vingt-six manipulations corporelles réparties aléatoirement dans les groupes de cobayes ; chacun ayant recu un concentré psychotropique et des calmants à des moments différents. Certains ont eu un placebo, d'autres une double dose de pychotropes ; et pour chacun d'entre eux une combinaison unique de modification. Mutilations, dépecage, agression sonique ou visuelle, injection supplémentaire, confrontation, solitude – tout ce qui peut altérer physiquement, physiologiquement ou psychiquement leur conscience jusqu'à ce que même le cerveau instinctif soit anéanti. Ils deviennent alors des corps purifiés de la fange qui leur sert de conscience. Ils deviennent figures ! Des entités ! Ils deviennent des lettres, vingt-six lettres d'un nouvel alphabet avec lequel j'écrirai des poèmes de transfiguration ! Je dessinerai les plans d'un futur avec leur sang, où nous serons tous réunis dans une seule extase biomécanique, car Dieu est dans les réseaux et l'homme aussi : mais il ne le voit pas ! J'ouvrirai leurs yeux avec des écarteurs, je nettoierai leurs cages thoraciques, je les empalerai les uns après les autres comme chez le boucher ! Mieux : il le feront d'eux-même ! Je leur offre cet abattoir expérimental où ils sont les boeufs et les dieux, corps et âmes réunis jusqu'à ce qu'ils se retrouvent au coeur de leur propre hallucination devenue réalité. Pouvaient-ils rêver d'un meilleur avenir ? Ont-ils choisi de ne pas comprendre ma quête spirituelle et esthétique profonde, à moins qu'ils n'en soient même pas capables ?”